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La vie a l'endroit

Gerard Fromanger, Paris, 1977.

 

C'est très difficile de vivre a l'endroit quand la tendance générale est de vivre a l'envers.

C'est si simple de vivre a l'envers : il suffit de rester chez soi, de perdre sa vie a la gagner, d'accepter comme «naturels» les événements du monde, d'admettre que « tout a été dit depuis plus de sept mille ans qu'il y a des hommes et qu'ils pensent », de considérer que la démocratie consiste a gérer les inégalités, que la situation actuelle est bonne, qu'elle ne peut qu'être pire et qu'en conséquence, il vaut mieux ne rien dire, ne rien faire et ne rien penser qui puisse la changer. Julio Le Parc vit a l'endroit : voila maintenant dix années que je le connais, dix années de luttes dans le milieu culturel, cinq cent vingt semaines de mise en pratique de l'idée « qu'il faut prendre en main nos propres affaires », sans jamais voir l'évolution des choses en termes de victoire ou de défaite, mais toujours en terme de résistance, individuelle ou collective, a la fatalité du contrôle de plus en plus international, de plus en plus répressif, de plus en plus totalitaire sur nos vies.

 

Vivre a l'endroit, pour Julio Le Parc, comment cela se passe-t-il ? Comment parler de la trentaine de manifestations auxquelles il a participé depuis dix ans? En faire le compte, les nommer, ne dira pas grand-chose; mais si je regarde de prés ce qu'il a vraiment fait, je vois une présence constante, des dizaines de textes, de multiples prises de parole, des centaines de tableaux, de jeux, d'inventions, d'interventions, d'initiatives, d'affiches, cartes postales, dessins, enquêtes, décorations, parcours visuels et tactiles; je vois aussi un partage et une cohérence entre son travail personnel et ses activités collectives; tout cela pour constamment remettre en discussion l'idée de hiérarchie, de passivité du spectateur, des relations de pouvoir entre officiels de l'art et artistes, pour commencer a pratiquer une démocratie active et susciter de nouvelles formes de communication et de vie.

 

«La meilleure façon de marcher, c'est de mettre un pied devant l'autre et de recommencer... » Alors que nous étions enfants, a l'école, nous chantions cette ritournelle en marchant dans la campagne, et les mots nous paraissaient tellement en harmonie avec le désir d'aller toujours plus loin qu'ils nous faisaient oublier les fatigues, les déceptions et les querelles ; quand j'observe l'obstination avec laquelle agit Julio Le Parc, cette chansonnette me revient a l'esprit et il faut certainement avoir gardé quelque chose de la fraicheur têtue de l'enfance pour avoir toujours dans le cœur ce désir fou de vivre a l'endroit.

 

 

 

 

La Recta Vida

Gerard Fromanger - 1977

 

Es en verdad difícil vivir rectamente cuando la tendencia general es vivir atravesadamente.

Pero si es tan simple vivir atravesadamente: basta con quedarse en casa, dar la vida por ganada, aceptar como puramente "naturales" los acontecimientos del mundo, admitir que "ya todo fue dicho desde que hace más de siete mil años existen y piensan los hombres considerar que la democracia se ocupa de gestionar las desigualdades, que la situación actual es buena, que sólo pudiera ser peor, y que en justa consecuencia lo mejor es no decir nada, no hacer nada, no pensar en nada que pueda transformarla.

 

Julio Le Parc vive rectamente: hace ahora diez años que lo conozco, diez años de luchas en el medio cultural, quinientas veinte semanas de poner en práctica la idea de que es  preciso que nosotros mismos nos ocupemos de nuestras cosas, sin jamás ver la evolución de las cosas en términos de victoria o de derrota, sino siempre en términos de resistencia activa individual o colectiva, en la "fatalidad" del control cada vez más internacional, cada vez más represivo, cada vez más totalitario sobre nuestras vidas. Para Julio Le Parc. en qué consiste vivir rectamente. Cómo hablar de la treintena de manifestaciones en las que ha participado desde hace diez años. Contarlas, nombrarlas serviría de poco; pero si me fijo con detenimiento, veo una presencia constante, decenas de textos, numerosas intervenciones orales, centenares de cuadros, de juegos, de invenciones, de intervenciones, de iniciativas, de carteles, tarjetas, dibujos, encuestas, decorados, recorridos visuales y táctiles: veo, asimismo, una repartición y una coherencia entre su trabajo personal y sus actividades colectivas; todo esto, para poner constantemente en tela de juicio la idea de jerarquía, de pasividad del espectador, las relaciones de poderes entre los oficiales del arte y los artistas, para empezar a practicar una democracia activa y suscitar nuevas formas de comunicación y de vida.

 

"Para aprender a caminar pon un pie delante del otro y zas vuelta a empezar..." Cuando éramos niños, en la escuela cantábamos esta cancioncilla mientras caminábamos por el campo; y las palabras nos parecían hasta tal punto en consonancia con nuestro deseo de ir cada vez más lejos que llegábamos a olvidarnos del cansancio, de las decepciones y de las riñas; cuando observo la obstinación con la que actúa Julio Le Parc, esa cancioncilla vuelve a mi memoria y, ciertamente, es preciso haber conservado una cierta dosis de la terca frescura de la infancia para albergar siempre en el corazón ese loco deseo de vivir rectamente.

 

 

ATELIER LE PARC - 2014