L'exposition Le Parc

n'aura pas lieu

 

Jacques Lassaigne,

Le Figaro, 11 avril 1972.

 

J'avais annoncé qu'une rétrospective de Julio Le Parc aurait lieu au musée d'Art moderne de la ville de Paris le 20 juin. Les préparatifs de cette exposition se poursuivaient avec la collaboration de l'artiste ; les salles étaient attribuées et des installations spéciales prévues pour la présentation de ses dernières recherches chromatiques. Le catalogue avait été commandé et l'affiche était à l'étude.

 

Au cours d'une dernière réunion de travail, le samedi 1er avril au matin, j'eus la surprise de voir arriver dans les salles du musée diverses personnes, critiques et peintres, que Le Parc avait convoquées sans m'en prévenir. En leur présence, il lut alors un texte qu'il avait rédigé et dans lequel il exposait les doutes qui l'assaillaient et les diverses raisons qui lui étaient apparues de faire cette exposition ou de ne pas la faire. II se déclarait incapable de choisir entre ces diverses raisons et, a défaut de pouvoir confier la décision a un organisme représentatif des artistes qui n'existe pas, il proposait de s'en remettre au sort et de tirer a pile ou face sa participation ou son retrait.

 

Je lui fis part de mon étonnement de l'ouverture de ce débat alors que nos pourparlers se déroulaient depuis des mois, sur l'initiative de Le Parc lui-même, et alors que je devais reprendre une exposition qui vient de se tenir a Düsseldorf et a Berlin-ouest sans que l'artiste ait éprouvé les mêmes scrupules. J'ajoutai que le fait de sa part d'accepter que l'exposition ait lieu si le sort le lui commandait prouvait bien qu'il acceptait le principe de cette exposition, qu'il avait du reste souhaitée à plusieurs reprises devant moi.

Dans ces conditions, ayant pris moi-même la responsabilité d'organiser a Paris cette manifestation, je l'adjurai de prendre lui-même la responsabilité de son choix, que je respecterai quel qu'il fut, après avoir entendu l'énumération des motifs entre lesquels il balançait.

 

Ayant consulté ses amis, dont la majorité approuva sa proposition de tirage au sort, Le Parc décida de procéder a cette opération. Je regagnai mon bureau, ou il vint peu après m'annoncer que le sort s'était prononce pour le retrait de l'exposition. Je ne pus qu'enregistrer sa déclaration et exprimer mon profond regret que cette décision ait été remise au hasard et que l'exposition ne puisse être montrée au public parisien comme elle l'avait été au public allemand.