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La piéce de monnaie

 

Par Julio Le Parc - 1972

 

"Je me déclare incapable de prendre une décision pour accepter ou refuser l'invitation de M. Lassaigne."

 

Résumé de la situation

 

Jacques Lassaigne conservateur en chef du Musée d'Art moderne de la Vile de Paris me propose, à partir de la mi-juin et pendant tout l'été, une importante exposition personnelle de mes expériences de la période 1959-1972.

Cette exposition a pour origine l'offre faite il y a plus d'un an par M. Gaudibert, directeur de I'A.R.C., a Mme Denise René, de faire une grande exposition d'un de ses artistes. Mme Denise René me le proposa alors. L'A.R.C., ouvert a certaines expériences et confrontations, me semblait l'endroit officiel le plus proche de mes préoccupations. M. Gaudibert fut d'accord mais différait toujours la date parce qu'il ne savait pas s'il allait continuer à être directeur de ou présenter sa démission. C'est ainsi que lorsque mon exposition personnelle a Düsseldorf fut décidée (exposition ouverte le 17 janvier 1972), M. Gaudibert, pour les mêmes raisons, ne put rien arranger avec les organisateurs de la Kunsthalle de Düsseldorf C'est alors que M Lassaigne déclara qu'il était prêt soit à appuyer l'initiative de M. Gaudibert, soit à collaborer avec lui, soit reprendre a son compte l'idée d'une exposition. Ce n'est qu'a la fin de janvier que M. Gaudibert proposa à M. Lassaigne de s'en charger, lui-même renonçant au projet pour des raisons que j'ignore.

 

Analyse

 

(Je me propose d'analyser ici des considérations d'ordre général ramenées à un cas particulier, mon propre problème face à la proposition de M. Lassaigne.)

-  Sachant que mes recherches et ma production s'inscrivent dans les mécanismes rigides de l'offre et de la demande de la société bourgeoise.

 - Sachant qu'il n'est pas d'art dépourvu d'un contenu politique et que l'art neutre est un mythe de l'idéologie dominante.

- Sachant que l'art actuel est en crise parce que les valeurs de la société capitaliste sont en crise.

- Sachant que l'art tel qu'il est conçu aujourd'hui est le produit de l'idéologie bourgeoise.

- Sachant que la plupart des idées directrices dans le domaine de l'art proviennent des pays qui exercent un impérialisme politique, économique et militaire, utilisant la culture comme une arme parmi d'autres.

- Sachant qu'une critique internationale et certains organismes culturels exercent un terrorisme intellectuel afin d'imposer des modes et des changements subits dans les formes d'expression artistique.

- Sachant que la réussite esthétique d'une d'art ne constitue absolument aucune garantie d'apport révolutionnaire.

- Sachant que le divorce existant entre peuple et artistes ne doit pas être justifié par le manque de culture du peuple, et qu'on n'y remédie ni en " culturisant " le peuple ni en rabaissant le niveau de l'art car l'art d'avant-garde est un art bourgeois au service de l'idéologie bourgeoise et l'indifférence du peuple à l'égard de l'art est un moyen de défense contre l'intoxication de cette  idéologie.

- Sachant que le monopole de la création artistique d'avant-garde est entre les mains d'une minorité, au détriment du plus grand nombre.

- Sachant que ce monopole est basé sur une notion abstraite de l'art, sur l'artiste considéré comme un être exceptionnel, sur l'œuvre d'art unique ou multipliable, mais ineffable et commercialisable, sur le jugement autorisé des connaisseurs et sur la soumission et la passivité du public.

- Sachant que pour combattre cette situation il faut chercher à ramener l'artiste au niveau d'un travailleur ordinaire, transformer la prétention de faire des œuvres d'art en une constante expérimentation, s'abstenir de la prétention des connaisseurs en écoutant l'opinion du peuple, libérer le spectateur des inhibitions que l'art lui impose par sa prétendue catégorie de chose supérieure et développer chez le spectateur sa capacité d'action et de création.

- Sachant que, en général, les artistes des sociétés capitalistes ne font que soutenir, le domaine artistique les schémas de ces sociétés et que, de ce fait, nous transmettons l'idéologie bourgeoise.

- Sachant que le moins que nous puissions faire en tant qu'artistes des pays capitalistes est d'être conscients de notre rôle au service de l'idéologie bourgeoise.

- Sachant que dans les pays capitalistes l'accent devrait être mis non pas sur la production artistique mais sur l'attitude de l'artiste face au système capitaliste.

- Sachant que la culture révolutionnaire ne doit pas avoir la même structure que la culture bourgeoise qui tend a soutenir sa classe privilégiée, mais qu'elle doit être le produit de l'effort de création de tout un peuple qui aspire a des nouvelles formes de vie.

—Sachant que la véritable révolution en art sera faite par le peuple lorsque celui-ci sera en mesure de refuser lucidement la notion bourgeoise d'art et de créer les possibilités de nouveaux rapports entre les hommes.

- Ayant accepté très souvent, par la force de la routine, de faire des expositions.

- Ayant quelquefois donné mon consentement à condition qu'on accepte mes exigences me permettant de développer mes analyses et de mettre en évidence mes contradictions et celles du milieu artistique, en organisant des discussions qui rendaient possible la recherche de solutions de changement, comme ce fut le cas pour ma participation a la Biennale de Medellin en Colombie et a la Biennale de la gravure de Puerto Rico, etc...

- Ayant d'autres fois refusé de participer a des expositions pour des motifs explicites, comme par exemple a la dernière Documenta de Kassel a la Biennale de Sao Paulo de 1969 a l'exposition en cours 72-72 (appelée exposition « Pompidou »), etc...

- Sachant qu'une acceptation passive de la proposition de M. Lassaigne ne ferait que confirmer le statu quo de la dépendance de l'artiste.

- Sachant que cette acceptation ferait apparaitre une évidente contradiction entre cette acceptation et mon refus public a l'exposition 72-72.

- Sachant qu'un refus individuel de la proposition de M. Lassaigne me procurerait une certaine tranquillité en m'évitant de devenir la cible des critiques que déchainerait une acceptation passive.

- Sachant que bien que le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris est autonome et ne dépend pas du gouvernement mais de la Ville de Paris, il reste pour autant l'un des lieux officiels d'exposition à Paris.

- Sachant que dans ce musée d'art moderne, ainsi que dans l'A.R.C., le Musée national, le C.N.A.C., etc..., le financement est fait avec des fonds publics et que son organisation et son système de sélection ne tiennent absolument pas compte d'une possible participation des artistes intéressés, et moins encore du public.

- Sachant que le rôle des activités artistiques développées dans ces lieux est celui de transmettre, volontairement ou involontairement, dans la plupart des cas, l'idéologie de la classe dominante.

- Sachant que par la discrimination et la sélection effectuées par ces organismes la notion d'exclusivité de l'art est maintenue, et que conjointement avec les autres activités du milieu artistique, le comportement traditionnel de l'artiste est conçu comme celui d'un individu supérieur qui monopolise la création artistique au même titre que d'autres monopolisent les moyen de production, la gestion économique, la vie politique etc...

- Sachant que bien qu'il existe un refus collectif de la part d'un grand nombre d'artistes au sujet de l'exposition 72-72, aucun n'a été pris à l'égard des lieux officiels d'exposition tels que le Musée Moderne de la Ville de Paris.

- Sachant qu'en dernière analyse ces lieux officiels et d'autres lieux privés font, avec les moyens dont ils disposent, un travail limité de diffusion artistique et qu'ils constituent en même temps un écran qui cache la réalité sociale des problèmes du milieu artistique, comme c'est le cas pour l'exposition 72-72 avec son étalage publicitaire et les ressources considérables dont elle dispose.

- Sachant qu'il peut exister pour l'artiste une autre alternative que celle d'être un « coureur de fond » à la recherche du succès.

- Sachant que ce succès peut très bien être le produit d'une capacité adaptée aux exigences du milieu artistique, d'un coup de chance temporaire ou des hasards des relations, mais que la réussite est toujours consentie par ceux qui détienne le pouvoir artistique, c'est-a-dire : les collectionneur, les marchands, les autorités artistiques, les critiques, etc...

- Sachant qu'il peut y avoir une autre alternative pour l'artiste que celle de se retrancher dans une attitude de refus total en se préservant certes de tout compromis mais étant réduit a une position puriste qui lu fait perdre toute possibilité d'exercer une influence sur le milieu, se voyant obligé de devenir un eternel absent ou a changer de profession.

- Sachant que changer de profession signifie déplacer le problème, que les contradictions que l'on trouve quand on est dans le milieu artistique sont le reflet des contradictions de tout individu qui, ayant certaines aspirations, vit dans une société capitaliste et en tire les moyens économiques dont il a besoin pour subsister.

- Sachant qu'il n'y a pas de solution a titre individuel et qu'elle ne peut surgir que des solutions de caractère social, et que celles-ci pourraient être obtenues dans notre milieu par un travail préalable de préparation visant a créer les conditions indispensables a ces fins.

- Sachant qu'une analyse collective de la situation sociale de l'artiste est en cours, que les ambiguïtés, les compromis, les contradictions propres à la condition de l'artiste d'aujourd'hui deviennent de plus en plus apparentes.

- Sachant que de la compréhension de cette situation et de la prise en main par les artistes de leurs propres problèmes une volonté de changement pourra être développée, ainsi qu'une vision de l'aptitude a effectuer ces changements.

- Sachant que je ne peux qu'approuver cet éveil positif parmi les artistes et que dans la mesure de mes possibilités, je suis a même de collaborer afin que ces aspirations se réalisent, mettant ainsi collectivement en évidence les problèmes de fond, qui sont : le rôle de l'artiste dans la société contemporaine et de l'art dans l'idéologie dominante, le monopole de la création artistique, la prise en main par le peuple des problèmes culturels qui se trouvent aujourd'hui entre les mains de la classe dominante.

- Ayant les raisons d'ordre personnel suivantes qui m'inciteraient à accepter la proposition actuelle de M. Lassaigne :

1 - Intensifier mon travail professionnel par la préparation et le montage de l'exposition.

2 - Voir réunies a Paris, dans un seul endroit, un nombre important de mes recherches.

3 - Essayer de montrer, par le mode de présentation de mes démarches analysées en détail et accompagnées de textes et d'enquêtes publiques, une intention obstinée et longuement poursuivie de renverser l'antinomie art-peuple en mettant en évidence la possibilité d'un peuple créateur. Essayer ainsi de compléter la vision fragmentaire qu'on peut avoir à Paris à travers mes expositions limitées du genre "multiples" comme celles faites à la galerie Denise René rive gauche.

4 - Pouvoir éditer en français le catalogue de Düsseldorf, dont les reproductions et les textes rendent ma démarche plus intelligible, ce catalogue constituant pour moi un matériel important pour la compréhension de mes recherches et de mes attitudes.

5 - L'utilisation habituelle des expositions de ce genre pour mettre en évidence mes contradictions et celles du milieu artistique, en provoquant des analyses et des discussions, en montrant les problèmes et en créant des situations propices pour que les intéressés puissent poser ces problèmes.

6 - Pouvoir céder, dans le cadre de exposition personnelle, une salle a un groupe de jeunes artistes afin qu'ils aient l'occasion de montrer leurs expériences. II serait utile de voir ce multiplier cette tentative, si l'on tient compte des difficultés que j'ai rencontrées au début de mes recherches pour établir une confrontation avec le public.

7 -Profiter de cette exposition personnelle informer l'opinion publique, d'une manière ou d'une autre, au sujet de la situation des prisonniers politiques en Argentine (répression, torture).

 8 - Pouvoir faire, a partir de l'expérience de cette exposition, un bilan de ma démarche, tiré des conclusions de la confrontation avec le public, affirmer ou corriger quelques-unes de mes hypothèses, établir des liens plus étroits avec d'autres intéressés, voir le chemin à suivre soit dans mon travail individuel soit dans un travail commun avec d'autres.

(Je rappelle aussi les avantages d'ordre publicitaire et économique dont la galerie qui me représente serait bénéficiaire.)

Sur la base de l'analyse qui précède, des contradictions énoncées et de mes intentions, je me déclare incapable de prendre une décision pour accepter ou refuser l'invitation de M. Lassaigne. Ne voulant pas que quelqu'un d'autre décide a ma place, je choisi de me soumettre au hasard une fois communication faite de mes réflexions aux personnes qui ont bien voulu se rendre au Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris ce samedi 1er Avril à onze heures :

 

 

 

 

 

La Pieza De Moneda

 

Julio Le Parc - 1972

 

Resumen de la situación:

 

Tengo en la actualidad una proposición del señor Lassaigne "conservateur en Chef du Musée d'Art Moderne de la Ville de París", para realizar, a partir de mediados de junio y durante el verano, una importante exposición personal de mis experiencias, cubriendo el período de 1959 a 1972 en el museo que él dirige. El origen de esta proposición fue el ofrecimiento que el señor Gaudibert, director del A.R.C., hizo hace más de un año a Denise René en el sentido de realizar una importante exposición de uno de sus artistas. Denise René me lo propuso en ese momento. El A.R.C., como lugar abierto a ciertas experiencias y confrontaciones, me pareció el lugar oficial más cercano a mis preocupaciones. Gaudibert estuvo de acuerdo y postergó siempre la fecha debido a que no sabía si continuaba como director del A.R.C. o si renunciaba. Así fue que cuando se concretó mi exposición personal en Dusseldorf (exposición que se inauguró el 17 de enero de 1972) Gaudibert, por las mismas razones, no concretó nada con los organizadores de la Kunsthalle de Dusseldorf. Fue entonces que Lassaigne manifestó que él estaría dispuesto, ya sea a apoyar la iniciativa de Gaudibert, ya sea a colaborar con él, ya sea a tomar él solo esa idea. Fue solamente a fines de enero cuando Gaudibert, por su propia iniciativa, propuso a Lassaigne encargarse de ella, desistiendo él por razones que desconozco.

 

Análisis:

 

(Este análisis tiene por objeto llevar a lo particular, en este caso mi propio problema frente a la proposición de M. Lassaigne, consideraciones de orden general).

Sabiendo que mi experiencia y producción se inscriben en los férreos mecanismos de la oferta y la demanda de la sociedad burguesa.

Sabiendo que no existe un arte desprovisto de contenido político y que el arte neutral es un mito de la ideología dominante.

Sabiendo que el arte está en crisis porque los valores de la sociedad capitalista están en crisis.

Sabiendo que el arte tal como se concibe en la actualidad es producto de la ideología burguesa.

Sabiendo que la mayor parte de las ideas directrices en arte provienen de países que ejercen un imperialismo político, económico y militar dentro del cual la cultura es empleada como un arma entre otras.

Sabiendo que una crítica internacional y ciertos organismos culturales ejercen un terrorismo intelectual para imponer modas y cambios bruscos en las formas de expresión artísticas.

Sabiendo que el logro estético en una obra de arte no es garantía en absoluto de aporte revolucionario.

Sabiendo que el divorcio que existe entre pueblo y artistas no se debe justificar por la falta de cultura del pueblo, ello no se remedia ni «culturizando» al pueblo ni bajando el nivel del arte,

pues el arte de vanguardia es un arte burgués al servicio de la ideología burguesa y la indiferencia del pueblo con relación al arte es un medio de defensa contra la intoxicación de esa ideología.

Sabiendo que el monopolio de la creatividad artística de vanguardia está en manos de unos pocos.

Sabiendo que ese monopolio está ejercido y respaldado por artistas, coleccionistas, marchantes, críticos oficiales de arte, estetas, historiadores de arte, etc.

Sabiendo que ese monopolio se basa: en la noción abstracta del arte; en el artista como ser excepcional; en la obra de arte única o multiplicable, imperecedera y comerciable; en la calificada apreciación de los entendidos y en la sumisión y pasividad del público.

Sabiendo que para combatir esa situación hay que tender a:

nivelar al artista a la altura de un trabajador común; transformar la pretensión de hacer obras de arte en un experimentar continuo; abstenerse de la pretensión de los entendidos escuchando la opinión del pueblo; liberar al espectador de las inhibiciones en que lo recluye el arte con su pretendida categoría de cosa superior y desarrollar en el espectador su capacidad de acción y creatividad.

Sabiendo que en general los artistas en sociedades capitalistas sólo hacemos sostener, en el campo del arte, los esquemas de esas sociedades y transmitimos de hecho la ideología burguesa.

Sabiendo que en los países capitalistas el mérito debe estar puesto no ya en la producción artística, sino en la ACTITUD del artista frente al sistema capitalista.

Sabiendo que la cultura revolucionaria no debe tener la misma estructura que la cultura burguesa que apunta al sostenimiento de su clase privilegiada, sino ser producto de la creatividad de todo un pueblo que apunta a nuevas formas de vida.

Sabiendo que la verdadera revolución en arte será hecha por el pueblo cuando lúcidamente rechace la noción burguesa de arte y cree posibilidades de nuevas relaciones entre los hombres.

Habiendo, en muchos casos por rutina, aceptado exposiciones.

Habiendo en otros casos aceptado, condicionando mi participación a ciertas exigencias mías que me permitieron luego desarrollar mis planteos, señalar mis contradicciones y las del medio artístico, creando discusiones y posibilitando situaciones de cambio, como por ejemplo mi participación en la Bienal de Medellln en Colombia, mi participación en la Bienal del grabado en Puerto Rico, etc.

Habiendo en otros casos rechazado participar en exposiciones fundamentando el motivo; como, por ejemplo, en la última Documenta de Kassel, en la Bienal de Sao Paulo de 1969, en la actual exposición 72-73 (llamada exposición Pompidou), etc.

 

Sabiendo que una aceptación pasiva de la proposición del señor Lassaigne sólo haría confirmar el statu-quo de la dependencia del artista.

Sabiendo que esa aceptación haría aparecer una evidente contradicción entre esa aceptación y mi rechazo público a la exposición 72-73.

Sabiendo que un rechazo individual de la proposición del señor Lassaigne podría procurarme cierta tranquilidad, evitándome el ser la diana de críticas que una aceptación pasiva desencadenaría.

Sabiendo que si bien el Museo Municipal de Arte Moderno es autónomo y no depende del gobierno, sino de la Ville de París, no por eso deja de ser uno de los lugares oficiales de exposición de París.

Sabiendo que en él lo mismo que en el A.R.C., que en el Museo Nacional, que en el C.N.A.C., etc., la financiación es realizada con el dinero público y que su organización y sistema de selección no tienen en cuenta en absoluto la posible participación de los artistas, ni de otros interesados profesionalmente, y menos aún del público.

Sabiendo que el rol de las actividades artísticas realizadas en esos lugares es el de transmitir la ideología de la clase dominante.

Sabiendo que, a través de la diferenciación y selección en que ellos operan, perduran la noción de exclusividad del arte y mantienen, a la par que las otras actividades del medio artístico, el comportamiento tradicional del artista con su pretendida situación de individuo superior, monopolizador de la creatividad artística al mismo nivel que otros monopolizan los medios de producción, la gestión económica, la vida política, etc.

Sabiendo que si bien hay un rechazo colectivo por parte de un gran número de artistas con relación a la exposición 72-73, no hay, por el momento, ninguna actitud tomada con relación a los lugares oficiales de exposición como lo es el Museo Municipal de Arte Moderno.

Sabiendo que en el último análisis estos lugares oficiales y otros privados hacen continuamente con los medios a su alcance un trabajo limitado de difusión artística y son al mismo tiempo una pantalla que oculta la realidad social de los problemas del medio artístico, de la misma manera que la exposición 72-73 con su despliegue publicitario y sus enormes recursos lo hace.

Sabiendo que puede haber otra alternativa para el artista que la de ser un "corredor de fondo" a la búsqueda del suceso.

Sabiendo que ese suceso bien puede ser el producto de una capacidad adaptada a las exigencias del medio artístico o el producto temporal de la suerte o de las vinculaciones, pero que ese suceso es siempre consentido por, los que tienen el poder artístico, es decir: los coleccionistas, los marchands, los oficiales del arte, los críticos, etc.

Sabiendo que puede haber otra alternativa para los artistas que la de encerrarse en una actitud de rechazo total preservándose, cierto, de todo compromiso, pero reducido a una posición purista, perdiendo así toda posibilidad de incidir en el medio, estando obligado a ser un eterno ausente o a cambiar de profesión.

Sabiendo que cambiar de profesión es desplazar el problema,

que las contradicciones que uno encuentra estando en el medio artístico son el reflejo de las contradicciones que tiene todo individuo con ciertas aspiraciones, viviendo en una sociedad capitalista y sacando de ella los medios económicos de su subsistencia.

Sabiendo que no hay solución a título individuar y que ella sólo puede surgir de soluciones de carácter social y que, sin embargo, un trabajo de preparación puede realizarse en nuestro medio para ayudar a crear las condiciones para ello.

Sabiendo que un análisis colectivo de la situación social del artista se realiza en la actualidad, que las ambigüedades, los compromisos, las contradicciones de la condición de artista hoy día aparecen con más relieve.

Sabiendo que de la comprensión de esa situación y la toma en manos de los artistas de sus propios problemas se podrá desarrollar una voluntad de cambios y una visión de cómo operar esos cambios.

Sabiendo que sólo puedo tener simpatía por ese despertar positivo entre los artistas y que, en la medida de mis posibilidades, puedo colaborar para que esas aspiraciones se realicen y pongan así colectivamente en evidencia los problemas de fondo, que son: el papel del artista en la sociedad contemporánea, el papel del arte en la ideología dominante, el monopolio de la creatividad artística, la toma por el pueblo de los problemas culturales, hoy en día en manos de la clase dominante.

Teniendo razones de orden personal que me incitarían a aceptar la actual proposición de M. Lassaigne:

Intensificar mi trabajo profesional con los preparativos y montaje de la exposición.

Ver en París en un solo lugar juntas un número importante de mis experiencias.

A través de su modo de presentación, analizadas aspecto por aspecto, acompañadas de textos y encuestas públicas, tratar de poner en evidencia una invención obstinada, largo tiempo perseguida, de resolver la antinomia arte-pueblo y evidenciar la posibilidad de pueblo-creativo. Tratando así de contrarrestar la visión fragmentaria que en París pueden tener de mi desarrollo a través de exposiciones limitadas tipo múltiples "como las que he realizado en la Galería Denise René".

Para poder editar en francés el catálogo de Dusseldorf que por intermedio de sus reproducciones y textos trata de dar esa misma idea, constituyendo para mí un material importante para la comprensión de mis experiencias y actitudes.

La utilización, como de costumbre, de exposiciones como ésa para poner en evidencia mis contradicciones y las. contradicciones del medio artístico, provocando análisis y discusiones, señalando los problemas y creando ocasiones para que los interesados los planteen.

Poder ceder, en el marco de esa exposición personal, una sala a un grupo de jóvenes artistas a fin de que tengan la ocasión de mostrar sus experiencias. Práctica esta que sería positivo verla multiplicada recordando las dificultades que personalmente tuve al comienzo dé mis experiencias para enfrentarme con el público.

Utilizar la audiencia que esta exposición personal me daría para de una u otra manera colaborar en informar a la opinión pública sobre la situación de prisioneros políticos en Argentina (represión, tortura).

Poder hacer un balance a partir de la experiencia de esta exposición sobre mi trabajo, sacar conclusiones de la confrontación con el público, afirmar o corregir algunos de mis planteos, establecer vínculos más estrechos con otros interesados, ver la continuación posible ya sea para mi trabajo individual o a un trabajo en común con otra gente.

(No dejo de señalar aquí las ventajas de orden publicitario y económico que la galería que me representa podría obtener.)

En base a lo analizado, a las contradicciones señaladas y a mis intenciones, me declaro incapacitado para tomar una resolución en el sentido de aceptar o rechazar la invitación del señor Lassaigne y no queriendo que nadie decida en mi lugar tomo la decisión de someterme al azar, luego de hacer participar en mis reflexiones a las personas siguientes que convoco para el sábado, 1 de abril, a las 11 de la mañana en el Museo de Arte Moderno de la Ville de París:

Sr. Jacques Lassaigne.- Director del Museo de Arte Moderno de la ciudad de París, habiéndome hecho la invitación de exponer en sus salas.

Srta. Contensou.- Directora del Museo de Arte Moderno de la ciudad de París, colaboradora de M. Lassaigne.

Sra Denise René.- Directora de la galería Denise René de París, la cual tiene un contrato de exclusividad de mis obras.

Sr. Cruz Diez.- Artista representado en la galería Denise René.

Sra. Martha Le Parc.- Representando el aspecto familiar.

Sres. Gerard Fromanger et Meri Jolivet.- Presidente y vice­presidente del Salón "Jeune Peinture".

Sres. Mathieu y Redelé, que podrán informar, si es necesario, en los Estados Generales de Artistas Plásticos que se celebran en mayo en París.

Sres. Alain Jouffroy y Otto Hahn, críticos de arte, que podrán informar, si es necesario, al medio artístico.

En presencia de las personas citadas y de mí mismo, una moneda será lanzada al aire por un niño. SI la moneda cae del lado cara, la proposición de M. Lassaigne de hacer una exposición de mis obras en junio de este año en el Museo de Arte Moderno de la ciudad de París será aceptada. Si es el lado contrario el que sale, la invitación será rechazada. Un acta será realizada y firmada por todos los asistentes de la reunión.

París, 1 de abril de 1972. Julio Le Parc.

(Consciente de sus contradicciones como artista experimentador en una sociedad capitalista.)

Observaciones anexas:

Sé bien que esta manera de dar una respuesta a la proposición de M. Lassaigne no es lo ideal. En las circunstancias actuales creo que es lo más acertado. Ello refleja en el plano personal la situación ambigua, comprometida y contradictoria en la cual se encuentran los artistas que intentan comunicarse con el medio social ayudando a su transformación.

A diferentes niveles, esta situación mía de hoy es cotidiana en lo personal de todos aquellos que formando parte del medio artístico tratan, en la medida de sus posibilidades, de señalar las incoherencias y las contradicciones y provocar cambios, debiendo tomar decisiones, ya sea para aceptar o rechazar el participar en un salón, para aceptar o rechazar una entrevista, para rechazar o aceptar una edición, para aceptar o rechazar una venta, o simplemente en algunos casos para decidirse en ir o no a proponer sus trabajos a una galería de arte.

Sé que se me puede objetar que mi situación privilegiada, por tener un cierto reconocimiento en el plano internacional y un respaldo económico de la galería Denise René, me permite tomar actitudes como la de hoy. Es posible, pero, no obstante, un cierto riesgo real existe.

Mi interés no es que se vea en esta actitud un acto artístico, sino que se vea como un medio (como puede haber otros) de atizar la atención sobre los problemas que nos conciernen y sobre la situación artística actual de la cual somos todos responsables.

Nota:

La reunión se realizó con la presencia de todas las personas citadas. Después de dar lectura al texto y en el momento que le niño iba a tirar la pieza de moneda al aire, el Sr. Lassaigne intervino para manifestar su desacuerdo con ese procedimiento.

Ello dio lugar a una discusión de alrededor de dos horas, entre los asistentes a la reunión.

El Sr. Lassaigne se dispuso a retirar la invitación a fin de evitar que fuera la moneda quien decidiera.

Luego de la discusión y en el momento en que el niño va a tirar la moneda, el Sr. Lassaigne y la señorita Contensou abandonan el lugar de la reunión.

La pieza de moneda es tirada al aire por el niño. Ella cae del lado cruz. En consecuencia, la invitación del Sr. Lassaigne es rechazada. Salvo el Sr. Lassaigne y la Srta. Contensou, todos los asistentes firman como testigos un acta. Denise René firma con la observación siguiente: En desacuerdo con las leyes del azar.

 

 

ATELIER LE PARC - 2014