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PAMPHLET à rire
(à rire?)
Par Julio Le Parc - 2001
A propos de l'exposition
« Denise René l'intrépide »
au Centre Pompidou.
Je ... dans la soupe. Quelle soupe?
II parait que nous, que moi, devrions être contents, que nous devrions être très polis, dire merci, merci... Etre au Centre Pompidou par l'entremise de l'exposition « Denise René l'intrépide » devrait nous combler.
"Denise René l'intrépide" ! Titre racoleur? Titre ridicule? Titre provocateur! A vouloir mettre un qualificatif à Denise René, mieux aurait valu demander aux artistes, encore vivants, ayant eu à faire a elle. On aurait eu un florilège de qualificatifs hauts en couleurs et très intéressants pour cerner d'une manière réaliste le personnage, sa trajectoire et son comportement. Beaubourg, pas intrépide!
Dans le secret des lieux.
Avec cet hommage à Denise René (l'intrépide), on peut imaginer que le Centre Pompidou a un programme secret qui va l'amener périodiquement à faire d'autres expositions qualificatives d'autres galeries commerciales :
Galerie Mongo la prudente,
Galerie Chulle la visionnaire,
Galerie Curro Ia voluptueuse,
Galerie Piolo la sans limite,
Galerie Ponzo l'escroqueleuse,
Galerie Nouvelle la sclérosée,
Galerie Mito la répétitive,
Galerie Grande la mégalomane,
Galerie Cuit l'inconstante,
Etc.
Ou faire des hommages a répétition :
Hommage a la galerie qui a le mieux exploité ses artistes, Hommage à la galerie qui a réussi à mettre le plus grand nombre de ses artistes dans le hit-parade des artistes officiels,
Hommage a la galerie qui a réussi à vendre un tableau à un collectionneur nord-américain,
Hommage a la galerie qui a réussi à vendre le plus grand nombre de croutes a I 'État français (ici il faut mettre en compétition les galeries nord-américaines; opacité oblige, on ne saura jamais pour quel montant !),
Hommage à la galerie qui, sur le dos des artistes, s'est enrichie au point d'en faire vivre toute sa famille, de ne voyager qu'en Concorde, de descendre au Ritz à New York et dans les palaces a Venise,
Hommage à la galerie qui a réussi à ne pas rendre (à voler ?) le plus grand nombre de tableaux laissés en dépôt par les artistes,
Hommage à la galerie qui a « crée » l'artiste du siècle, sacrifiant tout pour qu'il puisse produire : ses propriétés à la campagne, son étage en ville, ses bijoux...
Hommage à la galerie qui a résisté aux phénomènes de mode dans l'art en en créant une,
Hommage à la galerie qui a imposé en France le plus grand nombre d'artistes nord-américains,
Hommage à la galerie qui a fait le plus gros chiffre d'affaires,
Hommage à la galerie qui ne défend que de jeunes inconnus,
Hommage à la galerie qui s'est transformée en coopérative, ses artistes et employés prenant part aux décisions et aux bénéfices,
Hommage à la galerie qui est un foyer de réflexion, de confrontation d'idées, d'échanges sur la raison d'être de la création contemporaine,
Hommage à la galerie qui a des yeux pour regarder et une caisse enregistreuse a la place de la tête...
Et dans le cadre des hommages, pourquoi pas un grand hommage au Directeur du Musée du Centre Pompidou qui à le mieux accompli le rôle de tête de pont de l'art nord-américain?
Confusion — amalgame — appropriation.
De deux choses l'une, a la fois !
S'il s'agissait de rendre hommage a la personne ("intrépide ") pour ce qu'elle fit comme marchand d'art, le Centre Pompidou aurait été mieux inspire d'organiser cet hommage comme une cérémonie académique. Lieu approprie : la FIAC. Là, parmi les artistes ayant exposé chez Denise René, ses fervents auraient pu faire l'offrande d'une grande œuvre réalisée collectivement. Les collectionneurs ayant acheté chez elle auraient pu se cotiser pour l'offrir : " un tableau de la femme (peintre, d'un collectionneur reconnu... ". Le Centre Pompidou pour clore la cérémonie, en guise de somptueux cadeau, aurait pu, pour combler un vide, se compromettre a acheter davantage d'œuvres des artistes estampillés " DR ". S'il s'agissait de rendre, d'une part, un hommage aux artistes qui, avec originalité, ont résisté à la déferlante l'académisme tachiste et informel dans les années cinquante, et d'autre part un hommage aux artistes qui dans les années soixante, avec leurs recherches visuelles sans concession, ont produit un formidable contrepoids (non-reconnu) a l'hégémonisme pop nord-américain, mal s'y est pris le Centre Pompidou. La formule " Denise René l'intrépide » est batarde. Elle personnalise à outrance une exposition dont les œuvres ont été réalisées par les artistes et non par Denise René. Tous ceux qui n'ont jamais exposé chez elle sont arbitrairement exclus. Réparation ? II y a tant de réparations que le Centre Pompidou devrait faire ! Mission impossible ?
Les années soixante en cadeau.
" Denise René l'intrépide ". Cette petite exposition qui rentre au Centre Pompidou par la porte de service va accentuer la fausseté d'appréciation des décideurs officiels, au moment ou le Centre Pompidou offre toutes les années soixante en bloc (mai 68 inclus ?) d'un seul et grand coup (de propagande) au pop art nord-américain. Cadeaux, reconnaissance encore, soumission a ce qui fut entrepris (et réussi) par le Département d'Etat, la CIA et les galeries commerciales des Etats-Unis, dans le début des années soixante : l'hégémonisme en art aussi ! Hégémonisme fut accepté avec une telle ferveur par les décideurs de ces latitudes-ci que nulle "enveloppe" occulte de la CIA n'aurait pu obtenir de meilleurs résultats !
Et entre-temps (pour faire bonne mesure ?) Denise René (l'intrépide) rend un hommage dans sa galerie... à qui? A un artiste nord-américain !
Je ne suis obligé ni d'être content, ni de dire merci.
J'existe.
Cachan, le 3 avril 2001
Julio Le Parc
Grand Prix International de la Biennale de Venise, 1966
CENSURE AU CENTRE POMPIDOU
Ci-joint le texte qui a été censuré :
Par Jean Paul Ameline, commissaire de l'exposition "Denise René l'intrépide",
Par Alfred Pacquement, directeur du Musée National d'Art Moderne - Centre Pompidou,
Par Jean- Jacques Aillagon, Président du Centre National d'Art et de Culture Georges Pompidou.
Brève explication
J'ai voulu accompagner quelques-unes de mes œuvres dans l'exposition "Denise René l'intrépide" au Centre Pompidou d'une petite réflexion sous la forme du pamphlet.
Pamphlet que certains peuvent considérer nul, d'autres amusant, d'autres pertinent, d'autres agressif ou insultant, d'autres comme une réédition d'une époque révolue, d'autres à réfléchir, etc.
Est-ce que l'on doit tenir compte de la consigne tacite qu'on nous donne?
" Soit artiste et tais toi". Si par malheur il vous arrive de réfléchir nous devons le garder pour nous même, surtout ne pas l'exprimer et encore moins dans le sanctuaire de l'art!
Le gros catalogue de 200 pages consacrés à Denise René aurait-il pu souffrir de la présence de mon pamphlet?
Contre cette petite feuille les gardiens du temple on sorti le gros bâton de l'interdiction (censure), me privant ainsi de communiquer, pacifiquement, même par écrit avec les visiteurs de l'exposition. Cela aurait été beaucoup plus simple, efficace et a "constructif", si mon pamphlet avait incité le Centre Pompidou à organiser un débat, pour une réflexion libre, a l'occasion de cet hommage a une marchande d'art ou chacun aurait eu la possibilité d'argumenter sa position sur le thème par exemple, de :
Pouvoir, culture, art, argent.
Je veux passer outre les menaces de décrochage de mes œuvres par le Centre Pompidou.
Je veux être conséquent avec moi-même.
Donc j'irais coller mon pamphlet sur mes œuvres, celles qui m'appartiennent et qui sont présentés dans l'exposition "Denise René l'intrépide" au Centre Pompidou.
Si celui-ci veut aussi censurer mes œuvres...
Cet acte symbolique (qui n'est pas une action artistique) je le réaliserai le :
Julio Le Parc
Vendredi 20 avril a 18h30
Au Centre Pompidou 4eme étage devant mes œuvres dans l'exposition "Denise René l'intrépide"
Cachan le 17 avril 2001
TEXTES PERSONNELS
ATELIER LE PARC - 2014