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UN JE NE SAIS QUOI

 

Julian Gallego - 1977

 

Voila une dizaine d'années, Damian C. Bayon, mon collègue argentin du petit groupe parisien de Pierre Francastel, m'avait emmené diner avec lui chez son compatriote Julio Le Parc. L'atelier était grand ; le diner, bon ; la conversation, rare. Je pense que par tempérament, il préférait écrire et surtout inventer. En outre, à cette époque, il avait adopté des positions politiques d'extrême-gauche ce qui devait influer sur son caractère. II est possible que Le Parc, enfant prodige d'une société de consommation bourgeoise qui l'avait enfermé dans une cage dorée, était conscient de l'absurde de sa situation : un culte de la personnalité contraire a ses idées. C'est peut-être pour ca qu'il a si peu parlé et que ce diner, dont je me faisais une fête, m'a semblé si long.

 

Cela faisait déjà de nombreuses années que je connaissais et admirais l'œuvre de Julio Le Parc. Pour le vérifier, j'ai recherché dans ma collection les chroniques que j'envoyais de Paris a la revue "Goya" et j'en ai trouvé pas moins de quatorze, certaines très longues, toutes élogieuses, sur cet artiste que j'ai découvert pour la première fois a la galerie Creuze, en 1962. C'était l'époque ou commençait ce que l'on pourrait appeler l'âge d'or de l'abstraction sud-américaine. Dans les années soixante, un des filons les plus fertiles de la production artistique parisienne naissait en Amérique du Sud, particulièrement en Argentine et au Venezuela. A la galerie Denise René, pionnière du mouvement optico-constructiviste, Le Parc était là en permanence, la star... Réussir à Paris signifiait alors réussir dans le monde entier. A la XXXIIème biennale de Venise, certaines de ses œuvres attirèrent l'attention. C'était en 1964, l'année ou le groupe de Le Parc avait exposé, sous l'étiquette de "Nouvelle Tendance" au musée parisien des Arts Décoratifs. La République argentine a donc senti que le moment était venu d'organiser ce que l'on appelait dans le Paris décadent d'alors un "one man show", en l'honneur de Julio Le Parc, a la XXXIIIème biennale vénitienne de 1966, dont le commissaire était mon grand ami Leopoldo Torres Aguero. Je suis arrivé à Venise en septembre alors que la biennale était sur le point de fermer ses portes. Le "show" commençait à être un peu fatigué après la visite de milliers de spectateurs estivants, qui n'à pas résisté au plaisir d'emporter en souvenir presque toutes les lunettes et une bonne partie des miroirs au moyen desquels l'artiste captait des aspects fragmentés, sériés, déformés de la réalité optique du pavillon ou de ses spectateurs abimant du même coup, à force d'y toucher, les petits moteurs électriques de ses installations. Mais le plus étonnant de l'histoire est que le jury de la biennale ait décerné le grand prix de la peinture à une œuvre dans laquelle la peinture à proprement parler n'intervenait en rien. Les organisateurs eux-mêmes semblaient pencher pour le camp de la sculpture, ne fut-ce que pour sa tridimensionnalité. II y avait comme une contradiction entre un art technologique qui ne fonctionnait pas et un prix, bien mérité par ailleurs, mais censé récompenser le meilleur peintre. Une des nombreuses contradictions de Le Parc.

 

II était arrivé à Paris à trente ans, en 1958, grâce à une bourse du gouvernement français, rempli d'admiration pour le fils posthume de Bauhaus, Vasarely. II n'y a pas perdu de temps. Un an après, il tentait, avec l'aide de l'Espagnol Sobrino de se libérer de cette influence quelque peu écrasante. Encore un an et il devenait l'un des fondateurs du Groupe de Recherche d'Art Visuel, une équipe qui intervint de manière si brillante (et si rafraichissante...) dans les nouvelles biennales de Paris, jusqu'a sa dissolution en 1968, l'année des dissolutions ; parmi elles, comme certain l'ont cru, celle du marché des arts et celle des artistes individuels.

C'est ce que devait penser aussi Le Parc quand il économisait ses mots face à deux membres de la critique hédoniste que nous étions Bayon et moi. Quelque temps plus tard, il dédaignait, pour des raisons politiques, une exposition qu'on lui proposait au musée d'Art Moderne de la ville de Paris. Sans doute la considérait-il comme  trop officielle, trop compromise avec la société capitaliste.

Mais dans quelle société Denise René évolue-t-elle, dont la succursale de New York a maintenant autant de succès que celle de Paris? Qu'est-ce qu'une œuvre par et pour le peup1e si le peuple ne la comprend pas et ne peut même pas la voir ?

 

Durant l'hiver 1970-71, avec un certain opportunisme, Denise René exposa des œuvres de 1959. Dommage qu'elle ne les ait pas montrées à l'époque. Les variations de Le Parc, sur une gamme de quatorze couleurs, évitant toute intention artistique, s'opposaient aux revendications de Vasarely quant au droit de l'artiste à intervenir et à produire des changements qui expriment sa personnalité. C'est presque une trahison envers l'humanité et envers la pure vision combinatoire de Le Parc qui ne devait déjà plus rien à son maitre. II est vrai que les œuvres exposées ressemblaient beaucoup à du Vasarely.

 

Au printemps dernier, Denise René a présenté une nouvelle exposition Le Parc intitulée "Modulations". Elle était déconcertante dans sa manière de cultiver le "trompe l'œil", en complète contradiction avec son œuvre antérieure qui était "réaliste" dans le sens américain du terme, c'est-a¬-dire exempt d'éléments trompeurs, comme des ombres ou des dégradés qui suggèrent des surfaces courbes, sphériques, en forme d'arbre, de tuyauterie, de barres entrelacées. Cependant, l'auteur explique ce travail comme étant "une persistance d'une attitude adoptée plus ou moins clairement au début de mes recherches en 1958". Une attitude qui revêt un double aspect : le premier, relatif au moyen de se situer et de réagir dans la vie réelle, analyse la position de l'artiste, ses contradictions et limitations, la manière dont il est manipulé, utilisé par le milieu culturel, sa dépendance envers ceux qui possèdent le pouvoir de décision, etc. ,et essaie de combattre cette situation, à l'intérieur et à l'extérieur de son œuvre ; le second aspect est un comportement expérimental continu, qui accepte le risque de se tromper...

 

Le Parc considère qu'il est grave de répéter une formule déjà expérimentée : "Dans mon travail de recherche et dans le déroulement de l'expérimentation, il est bon de temps en temps que je remette en cause mes certitudes, sans pour autant cesser d'analyser et de réfléchir sur mes découvertes". Cette prise de position très personnelle me semble "artistique". Un scientifique, et encore moins un ordinateur, ne refusent jamais la répétition et ne se lancent jamais dans l'aventure comme un artiste "à l'ancienne".

 

Le "Groupe de Recherche d'Art Visuel" a instauré l'œuvre ouverte, non définitive, soumise aux contingences que le spectateur-acteur (même s'il vole les miroirs et les lunettes) lui impose. "C'est le rôle surévalue de l'artiste-créateur qui est en question". "Imaginons qu'au lieu de l'artiste unique et inspiré, apparaissent des chercheurs, inventeurs d'éléments, de situations, animateurs qui réussissent, grâce à leurs réalisations, à mettre en évidence les contradictions de l'art actuel et, en cherchant à établir des relations plus directes avec le spectateur, à créer les conditions d'une ouverture qui permettrait de dépasser l'antinomie Art- Grand Public". Je traduis du français comme je peux, un petit manifeste du groupe datant de mai 1966, qui se trouve justement dans le catalogue édité par Denise René pour célébrer la présence de Le Parc à la XXXIIIème biennale de Venise. Un culte de la personnalité camouflé puisque, de toute 1'équipe, celui qui reçoit les lauriers et la publicité, ici, c'est Julio Le Parc.

 

Cette contradiction est manifeste et l'a été dans toutes les expositions collectives que j'ai pu visiter. Le Parc n'est pas un habile ouvrier, ni un employé de laboratoire, ni un ordinateur sophistiqué, ni une cellule biologique ou politique. Dans l'art semi-technologique de notre temps, nombreuses sont les œuvres qui ne sont même pas artistique et qui ne se différencient d'une machine utilitaire que parce qu'elles ne servent a rien de concret: leur noblesse, comme celle des hidalgos, réside dans leur inutilité. Schofer lui-même ne se libère pas du doute que ces œuvres, en plus de tourner projeter des rayons colorés pourraient aussi décorer des biscuits ou des verres en plastique et qu'elles sont "artistiques" uniquement parce qu'elles ne le font pas. Une œuvre de Le Parc créée en toute liberté, sans prémisses anti-vasareliennes, est différente d'une œuvre de Vasarely et de n'importe qui d'autre.

 

Don Felipe de Guevara racontait en plein XVIème siècle que quand les architectes maures terminaient de dessiner "avec art et raison" leurs bâtiment, ils ajoutaient : "et qu'Allah te prête grâce !...", eh bien dans beaucoup d'œuvres" faites avec  énormément d'art et de raison", il manque " un je ne sais quoi d'indéfinissable". Ce je ne sais quoi, le ciel l'a donné à Le Parc.

 

Julian GALLEGO, Madrid, 1977

 

 

 

Un No Se Que

 

Julián Gallego - 1977

 

Hará unos diez años que Damián C. Bayón, mi compañero argentino en el grupito parisiense de Pierre Francastel, me llevó a cenar a casa de su compatriota Julio Le Parc. El taller era grande; la cena fue buena; la conversación, escasa. Le Parc hablaba poco. Yo creo que su temperamento le llevaba más bien a escribir y, sobre todo, a inventar. Además, por aquellas fechas, el artista había adoptado una posición política de extrema izquierda, y esa decisión pudo haber influido en su carácter. Es posible que Le Parc, niño prodigio de una sociedad burguesa de consumo que había tendido en torno suyo las redes más doradas, sintiera lo absurdo de su posición, un culto de la personalidad en desacuerdo con sus ideas. Acaso por todo eso habló tan poco y esa cena que yo esperaba con ilusión se me hizo demasiado larga.

 

Hacía ya años que yo conocía y admiraba la obra de Julio Le Parc, He revisado, para percatarme de esa certeza, mi colección de crónicas de París en la revista "Goya" y he hallado no menos de catorce alusiones, algunas de ellas muy largas, en cualquier caso admirativas, al artista, cuya obra vi por vez primera en la galería Creuze, en 1962. Comenzaba entonces lo que cabría llamar la edad de oro de la abstracción sudamericana. En el decenio de los sesenta, una de las vetas más ricas de la producción artística parisiense nacía en América del Sur, especialmente en Argentina y Venezuela. Desde la galería Denise René, pionera del movimiento óptico-constructivo, la presencia de Le Parc fue ya constante, como estrella de primera magnitud. Hacer carrera en París equivalía entonces a hacerla en todo el mundo. En la XXXII Bienal de Venecia llamaron la atención algunas obras suyas; eso sucedía en 1964. el año mismo en que el grupo de Le Parc había merecido, bajo la etiqueta de "Nouvelle Tendance", una exposición en el museo parisiense de "Arts Decoratifs". La República Argentina vio llegado el momento de organizar en Venecia lo que en el decadente París de hoy llaman "one man show" en honor de Julio Le Parc en la XXXIII Bienal veneciana de 1966, actuando de comisario mi buen amigo Leopoldo Torres Agüero. Cuando llegué a Venecia era septiembre y la Bienal iba a cerrar sus puertas. El "show" estaba ya bastante fatigado por la visita de miles de espectadores estivales, que no habían dejado de llevarse como "souvenirs" casi todas las gafas y muchos de los espejos con los que el artista captaba aspectos fragmentados, seriados, deformados de la realidad óptica del pabellón o de sus propios espectadores, estropeando de paso, por el incesante manejo, los motorcitos eléctricos de otras obras. Pero lo más curioso es que el jurado de la Bienal hubiera concedido el gran premio de pintura a una obra en la que la pintura, propiamente dicha, no intervenía ni poco ni mucho y que los propios organizadores parecían inclinar hacia el campo escultórico aunque sólo fuera por su tridimensionalidad. Había como una contradicción entre un arte tecnológico que no funciona y un premio, sin duda merecido por otras razones, pero otorgado por pintar bien. Una de las contradicciones de Le Parc.

Quien había llegado a París a los treinta años en 1958, con una beca del Gobierno francés, llenó de admiración al hijo póstumo de Bauhaus, Vasarely. No perdió el tiempo: un año después trataba de liberarse (con ayuda del español Sobrino) de esa influencia algo aplastante;

y al siguiente era uno de los fundadores del "Groupe de Recherche d'Art Visuel", equipo que tan destacada intervención (y tan refrescante...) tuvo en las nuevas Bienales de París, hasta su disolución en 1968, año de disoluciones; entre ellas, según algunos creyeron, la del mercado de las artes y la de los artistas individuales.

Asi lo debía de creer Le Parc cuando no malgastaba sus palabras con dos miembros de la crítica hedonista, como Bayón y yo. Poco más tarde desdeñaba, por razones políticas, una exposición que le estaba organizando el Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, por creerla sin duda demasiado oficial, demasiado comprometida con la sociedad capitalista. Pero en qué sociedad se desenvuelve Denise René, cuya sucursal de Nueva York ha llegado a tener tanta importancia como la de París. Qué es una obra por y para el pueblo, que el pueblo no comprende ni aun ve.

 

En el invierno del 70-71, Denise Rene expuso unas obras de 1959 con cierto oportunismo. Fue una pena que no las mostrase en su momento. Las variaciones de Le Parc sobre una gama de catorce colores, evitando toda intencionalidad artística, chocaban con las reivindicaciones de Vasarely del derecho del artista a intervenir y producir cambios que manifiesten su personalidad. Eso es casi una traición a la humanidad y a la pura visión combinatoria de Le Parc, que ya no tuvo que agradecer nada a su maestro. Verdad es que las obras expuestas se parecían mucho a las de Vasarely, En la primavera del año pasado, Denise René presentó una nueva exposición Le Parc, titulada "Modulaciones", desconcertante en su cultivo del "trompe-l'oeil" en franca contradicción con toda su obra anterior, que había sido "realista" en el sentido americano de esta palabra, es decir, sin introducir datos engañosos, tales como sombras y degradaciones que hagan creer en superficie curvas, esferas, palmetas, tuberías, barras entrelazadas. El autor, empero, explica esa labor como "persistencia en una actitud tomada, más o menos clara, a comienzos de mis búsquedas en 1958" actitud con doble aspecto: uno, referente al medio de situarse y reaccionar en la vida real, analiza la posición del artista, sus contradicciones y limitaciones, el modo como es manipulado, utilizado por el medio cultural, su dependencia hacia quienes conservan el poder de decisión, etcétera, y trata de combatir tal situación, dentro y fuera de su propia obra; otro, un comportamiento experimental continuo, acepta el riesgo de equivocarse...

 

A Le Parc le parece grave la repetición de una fórmula ya experimentada. "En mi actitud de búsqueda y en el desarrollo de la experimentación, bueno es apartarse de vez en cuando de las certidumbres, sin cesar de someter los descubrimientos a una voluntad de reflexión y de análisis." Muy personal y "artística" me parece esa postura. Nunca un científico y menos una computadora rehusan la repetición y se lanzan a la aventura, como un artista "a la antigua".

 

El "Groupe de Recherche d'Art Visuel" estableció la obra abierta, no definitiva, sometida a las contingencias que el espectador actuante (aunque robe los espejos y las gafas) le impone. "El papel sobreestimado del artista-creador queda en cuestión. "Cabe pensar que, en lugar del artista único e inspirado, aparecerán investigadores, inventores de elementos, situacionadores, animadores que lograrán, por sus realizaciones y actividad, poner en evidencia las contradicciones del arte actual y, al buscar relaciones más directas con el espectador, crear condiciones para una apertura que puede superar la antinomia Arte-Gran Público." Traduzco del francés, como puedo, un mini-manifiesto del grupo en mayo de 1966, precisamente en el catálogo editado por Denise René para celebrar la presencia de Le Parc en la XXXIII Bienal de Venecia. Una de cal y otra de arena; un culto de la personalidad camuflado, porque, de todo ese equipo, el que recibe los laureles y la publicidad es allí Julio Le Parc.

 

Pero esa contradicción es palpable y lo ha sido en todas las exposiciones colectivas que he podido contemplar. Le Parc no es un operario hábil, ni un empleado de laboratorio, ni una computadora con poderes combinatorios, ni una célula biológica o política. En el arte semi-tecnológico de nuestro tiempo hay muchas obras que no llegan a artísticas, y que se diferencian de una máquina utilitaria exclusivamente en que no sirven para nada concreto: su nobleza, como la de los hidalgos, reside en su inutilidad. Ni el propio Schoffer se libra, muchas veces, de la sospecha de que, además de dar vueltas y proyectar haces coloreados, sus obras pudieran producir galletas o vasitos de plástico, y que son ''artísticas" porque no lo hacen. Una obra de Le Parc, creada en libertad, sin premisas anti-vasarelianas, se distingue de Vasarely y de todo el mundo. Dijo don Felipe de Guevara en pleno siglo XVI que los arquitectos moros, al terminar de trazar "según su razón y arte" los edificios, añadían: "¡Que Alá te dé la gracia!...", y que en muchas obras "hechas con suma arte y razón" falta "un no sé qué, que ni se sabe decir, ni pedir". Ese no sé qué, por ventura, fue dado a Le Parc.

 

 

ATELIER LE PARC - 2014