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Un arc en ciel entre

le cœur et la raison

Par Pierre Restany. 1995

 

Il en est des destinées comme des fils du tissage: en haute ou en basse lice, certains points sont plus sensibles que d'autres à l'entrelacs ou à la tresse. L'exemple de Julio Le Parc est pour moi hautement significatif. Nos destiné se sont croisés à plusieurs reprises et ont ainsi brodé la trace d'une amitié chaleureuse dans ses intermittences.

Julio Le Parc a été la cheville ouvrière du GRAV avant d'en être le fleuron emblématique. Le Groupe de recherche d'art visuel, que l'on a bien vite dénommé la bande au petit fils de Denise René, a été fondé à Paris en 1960, en même temps que le groupe des nouveaux réalistes. J'ai suivi avec un grand intérêt l'action de ces jeunes artistes cinétiques qui avaient en commun, avec nous les nouveaux réalistes, la conscience d'œuvrer au sein d'une société industrielle à son apogée finissante. Julio Le Parc et ses amis du GRAV étaient très sensibles à leurs modes d'insertion dans le milieu urbain et je me souviens, en 1966, d'un formidable périple à travers Paris, sillonné de différentes étapes performances. La géométrie était descendue dans la rue et j'avais suivi, avec autant de curiosité que de passion, cette descente de l'art dans la vie: après leur fameux labyrinthe de la Biennale de Paris, les membres du GRAV devaient relâcher le rythme de leurs expériences collectives. Leur période d'action commune fut de brève durée comme d'ailleurs celle des nouveaux réalistes. Les uns comme les autres furent parfaitement recyclés par la société de consommation au sein de sa modernité.

Au-delà de cette plate-forme sociologique fondée sur le rapport art et industrie, nos chemins se sont croisés de nouveau et à plusieurs reprises. J'ai rencontre Julio Le Parc à Buenos Aires et notamment en 1964.

J'ai suivi son action contestataire durant mai 1968, son arrestation a l'usine Renault de Flins, et j'ai été solidaire de toutes les démarches entreprises par Denise René en sa faveur. Julio Le Parc n'a pas été expulsé de France et c'est véritablement un bien. II est certainement l'un des artistes qui a contribué de façon majeure à l'ouverture de la peinture cinétique vers des horizons de communication et de langage plus libres. Entre-temps, en 1966, il avait obtenu le Grand Prix de peinture à la Biennale de Venise. Deux ans après le Prix de Rauschenberg qui consacrait à la fois l'émergence de la nouvelle école américaine et la mondialisation du style Pop, les jeux étaient faits à Venise. La vénérable institution se devait de couronner le courant d'art géométrique cinétique. " L'Op après le Pop " comme on disait à l'époque. Je me souviens de ce mois de juin à Venise. II faisait une chaleur épouvantable lors de l'inauguration de la Biennale et tout se passait au Florian bien plus qu'aux Giardini. Tout le monde pensait que le jury allait couronner Soto le grand gourou des pénétrables. Un retournement de dernière heure de la part de Palma Bucarelli devait en décider autrement. Tout en restant dans un esprit cinétique, son choix se porta sur la personnalité la plus en vue de la deuxième génération des artistes du mouvement.

Julio Le Parc devenait ainsi l'emblème du GRAV, ce qui ne pouvait pas manquer de jeter le désarroi dans l'âme de ses coéquipiers. Le Grand Prix de Venise sonne le glas de l'existence du groupe.

Par la suite, j'ai revu Julio Le Parc à divers endroits du monde et en particulier à Cuba ou il s'est fait un des plus actifs artisans de la reprise institutionnelle de la Biennale de La Havane en y animant un atelier de création.

Le personnage est ainsi pour moi un oiseau créateur qui, de temps en temps, traverse le ciel de mes souvenirs. Cela dit, j'ai beaucoup apprécie son évolution chromatique et sa période arc-en-ciel qui s'identifiaient pour moi au nomadisme intellectuel de ce bel esprit qui a su, dans son œuvre, admirablement concilier le cœur et la raison.

 

Pierre Restany, Paris, mars 1995.

The Rainbow Between

Heart and Reason

By Pierre Restany. 1995

 

It is destinies like wire of weaving: into high or low string, certain points wind more sensitive than of others to the interlacing or the braid. The example of Julio Le Parc is for me highly significant. Our destiny crossed on several occasions and thus embroidered the trace of a cordial friendship in its intermittencies.

 

Julio Le Parc was ankle worker of the GRAV before being the floret for it emblematic. The Group of search for visual art, that we quickly named the band with the small son of Denise Rene, was founded in Paris in 1960, at the same time as the group of new realistic. I followed with a great interest the action of these young kinetic artists who had in common, with us the new realistic ones, the conscience of the work within an industrial company with his finishing apogee. Julio Le Parc and its friends of the GRAV were very sensitive to their modes of insertion in the urban environment and I remember, in 1966, of a formidable tour through Paris, criss-crossed by various stages performances. The geometry was descended in the street and I had followed, with as much curiosity than of passion, this descent of art in the life: after their famous labyrinth of Biennial of Paris, the members of the GRAV were to slacken the rate/rhythm of their collective experiments. Their period of common action was of short duration like besides that of new realistic. The ones like the others were recycled perfectly by the consumer society within its modernity.

 

Beyond this sociological platform founded on the relationship of art and industry, our ways crossed again and on several occasions. I met Julio Le Parc in Buenos Aires and in particular in 1964.

I followed his protesting action during May 1968, his arrest at the factory Renault de Flins, and I stood together in all the steps taken by Denise Rene in his favour. Julio Le Parc was not expelled of France and it is truly a good thing. He is certainly one of the artists who contributed in a major way to the opening of kinetic painting towards horizons of freer communication and language. Meanwhile, in 1966, he had obtained the Great Award of painting at the Biennial of Venice. Two years after the Award of Rauschenberg which devoted at the same time the emergence of the new American school and the universalization of the Pop style, the plays became hits in Venice. The worthy institution was to crown the current of geometrical art kinetic "the Op after the Pop" as one said at that time. I remember this June in Venice. II made a terrible heat at the time of the inauguration of Biennial and all occurred to Florian much more than to Giardini. Everyone thought that the jury was going to crown Soto the large guru of the penetrable ones. A reversal of last hour on behalf of Palma Bucarelli was to decide some differently. All in restart in a kinetic spirit, its choice was made on the personality more for the second generation of the artists of the movement.

Julio Le Parc became thus the emblem of the GRAV, which could not miss throwing the distress in the heart of its fellow-members. The Great Award of Venice rings the knell of the existence of the group. Thereafter, I met again Julio Le Parc at various places of the world and in particular in Cuba where he became one of the most active craftsmen of the institutional resumption of Biennial of Havana by animating a workshop of creation there.

 

The character is thus for me a creative bird which, from time to time, crosses the sky of my memories. However, I have much appreciated his chromatic evolution and his period rainbow that were identified for me as the intellectual nomadism of this beautiful spirit which knew, in his work, admirably how to reconcile the work and the reason.

 

Pierre Restany, Paris, March 1995.

 

 

 

ATELIER LE PARC - 2014