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Le Parc d'attractions
Arnaud Pierre - 2013
« Et maître Abraham se mit à courir dans la chambre avec
la vivacité et l’agilité d’un jeune homme, disposant les machines,
réglant les miroirs magiques. Et dans tous les coins
éclatèrent le mouvement et la vie. »
E.-T.-A. Hoffmann, Le Chat Murr, 1827
Le débat traverse l’histoire de la modernité : la réduction de l’écart entre l’art, les loisirs
populaires et les industries du divertissement est-il la conséquence, aussi prévisible
que bénéfique, de l’émancipation des sociétés modernes et de l’irruption du
dêmos dans les places bien gardées de la culture savante, ou bien constitue-t-il la
menace principale qui pèserait sur tout art digne de ce nom en lui désignant sa fin
irrémédiable sous les espèces du kitsch ? Se pourrait-il que la culture moderne du
regard se soit forgée au moins autant dans le creuset de la fête foraine, du music-hall
et des expositions universelles, qu’au contact d’une culture formelle élitiste essentiellement
constituée de la succession des grandes œuvres recueillie par le musée, et que
tout artiste habité de son importance aurait pour principale mission de prolonger ? Le
rôle de l’avant-garde, enfin, est-il de contribuer, en invoquant ses idéaux démocratiques,
à la confusion entre l’art et le divertissement, ou de travailler, au nom d’une
morale esthétique exigeante, au maintien des frontières et des hiérarchies 1 ? De la
réponse que l’on apporte à ces interrogations dépendent des récits peut-être plus
contradictoires que complémentaires. Il faut réécrire l’histoire de l’art moderne, ou
commencer du moins à imaginer ce qu’elle serait une fois réintégrées ces productions
d’une culture visuelle entendue au sens le plus large, où l’on compterait par exemple
la grande famille des instruments et des jouets issus des expériences de l’optique physique,
celle tout aussi vaste des dispositifs de projection et de mouvement qui préludent
à l’invention du cinématographe, dont les propres fantasmagories seraient à comprendre
dans cette énumération, avec les inventions spectaculaires de la scène, du
cirque et du music-hall, avec les attractions des foires et des expositions universelles,
mises en place au milieu des célébrations de l’électricité et du mouvement des machines, et longtemps rejetées à la périphérie du grand récit de la modernité précisément en raison de la trivialité des techniques qu’elles
ont mobilisées 2. Car cette histoire ne serait plus seulement celle de la peinture et la position dominante du tableau de chevalet s’y trouverait considérablement ravalée. Ce serait une histoire de la projection, de la dématérialisation et de l’échappement des formes et des couleurs, hors de leurs supports habituels, dans l’espace et dans le temps, une histoire de la lumière, du mouvement et de la théâtralité. Elle décrirait d’autres modes de la relation entre l’œuvre et le spectateur, substituant aux anciennes manières d’un regard policé et rationnel, les troubles rapports de l’illusion et de la fascination, exploitant toutes les potentialités, longtemps tenues pour impures, du toucher et de la participation, et
mobilisant une vision en mouvement, imbriquée dans la motricité et la kinesthésie —
une kiné-vision, dont le régime visuo-moteur serait reconnu comme ayant fourni à la
sensibilité moderne ses procédures privilégiées d’investigation dans le réel. Cette histoire
devrait par conséquent se trouver de nouveaux points de passage, identifier
d’autres moments de bascule, au terme desquels s’affirmerait cette conception autre
du moderne 3. On ne pourrait dès lors faire autrement que s’arrêter sur le 17 juin 1966,
date à laquelle Julio Le Parc reçoit le Grand Prix de peinture de la Biennale de Venise,
événement qui consacre aux yeux de la plupart des observateurs l’irruption tapageuse
d’une forme d’art jugée insuffisamment discernable de l’attirail de la fête foraine et qui
— conséquence immédiate — fait planer sur la peinture le spectre de sa propre fin.
La stupeur qui frappe les esprits à l’annonce du prix tient en effet beaucoup moins à
la dimension géo-politique de la décision du jury — qui, deux ans après le triomphe
de Robert Rauschenberg, semble opposer un coup d’arrêt brutal aux prétentions américaines
— qu’à la nature même de l’art ainsi récompensé et à son public implicite, un
public populaire. Certes, la presse s’étend aussi sur les tractations de couloir qui permirent
à l’heureux récipiendaire, complaisamment présenté comme un quasi-inconnu
avant cette distinction, de faire son entrée en scène comme par effraction 4. Mais les
gros titres relaient avant tout cette lamentation : « La peinture se meurt, la peinture est
morte 5. » Il est vrai qu’à cette date Le Parc n’a quasiment plus touché à ses pinceaux
depuis plusieurs années et que le pavillon de l’Argentine ne rassemble plus que des
œuvres n’entretenant qu’un « très lointain rapport avec l’art de peindre 6 » — alors
qu’en revanche s’imposent immédiatement les modèles du parc d’attractions et de la
fête foraine. Rapide revue de presse de l’été 1966 : « Ce n’est plus un tableau, c’est une
foire » (Le Progrès), et même une « foire kaléidoscopique », un « énorme Fun Palace »
(The Financial Teams), le triomphe du « style fun-house » (Time), un « Luna Park » (Art
International) où se joue « la mort toujours recommencée du tableau de chevalet » (Le
Progrès), où le jeu et l’expérience physique, le choc sensoriel, sont préférés à « l’aventure
mentale de la peinture » (L’Œil) car, décidément, « le temps des happy few, des
dégustateurs de peinture et des solitaires raffinés est révolu » (Jardin des Arts). Que
l’on en juge : sous les rubriques de « Continuels mobiles » et de « Continuels lumière »,
de « Reliefs à déplacement du spectateur », d’« Éléments à manipuler » ou « à essayer »,
de « Passages », de « Mouvements-surprise » et d’« Images vélocité-lumière », c’est une
accumulation d’objets aux effets étourdissants que Le Parc règle et dispose à l’intention
de son public, immergé dans les éclats de la lumière reflétée par des surfaces
miroitantes et mobiles, dérouté par les déformations occasionnées par des miroirs facétieux,
sollicité par des mécanismes aux allures de jeux d’adresse, physiquement déstabilisé
par des obstacles opposés à sa progression. Le regard n’est requis qu’à propension
d’une action à accomplir : bouger, marcher, osciller devant les lames réfléchissantes des
reliefs pour en révéler le potentiel cinématique ; appuyer sur les interrupteurs qui
déclencheront des mouvements en saccades et manipuler des boules montées sur ressort
ou des balles de ping-pong prises de frénésie pour le plaisir gratuit de les voir
s’agiter ; résister à l’éclat stroboscopique de lumières pulsantes ; chausser des lunettes
altérant la vision ordinaire pour changer de point de vue sur le monde ; tenter de discerner
le reflet de son visage dans les miroirs déformants, s’amuser de son apparence
ou de celle des autres dans le passage à miroir courbe ; monter sur des dalles basculantes
et enfiler des chaussures à ressort pour s’exercer à d’inhabituelles conditions de
déplacement… Le spectacle offert est celui du mouvement perpétuel et de la métamorphose
: la géométrie la plus stricte se résout en déformations mouvantes, les cibles et
les grilles se démultiplient dans les miroirs courbes en évoquant d’improbables parthénogenèses optiques ; la lumière et l’ombre modifient sans relâche leurs rapports dans la
projection de scintillants éclats ou le déploiement de diaprures mordorées ; la vitesse
des trépidations, les secousses et les vibrations font s’évanouir les formes dans un nuage
brownien… La matière des représentations étant constituée autant par ces oeuvres à
surprises que par les réactions du public face aux sollicitations imprévues qu’il éprouve
à chaque pas.
La plupart des dispositifs présentés à Venise avaient déjà alimenté les manifestations
collectives du Groupe de Recherche d’Art Visuel (GRAV) que Le Parc a contribué
à fonder quelques années plus tôt. La dernière en date était la fameuse « Journée
dans la rue » du 19 avril 1966 au cours de laquelle les membres du groupe avaient
successivement installé leurs accessoires en huit endroits différents de Paris, de la
place du Châtelet à celle de l’Opéra, des Champs-Élysées au Jardin des Tuileries et de
Montparnasse à Saint-Germain-des-Prés. Dans une atmosphère de kermesse et de fête
foraine soulignée par plusieurs témoins 7, le groupe abandonne à la curiosité du public
ses jouets d’optique et ses objets manipulables, transportés d’un point à l’autre par une
camionnette surmontée d’une Sphère-Trame de François Morellet en guise d’enseigne.
On monte et démonte une structure permutationnelle de Francisco Sobrino, on entre
dans l’œuvre cinétique habitable de Jean-Pierre Yvaral, on manipule les kaléidoscopes
de Joël Stein et l’on marche sur les dalles mobiles de Le Parc. Le clou de la journée, qui
se tient au métro Odéon en milieu d’après-midi, est ce que les tracts du GRAV nomment
explicitement une « présentation foraine 8 », avec stands offrant toute la gamme
des objets à expérimenter. Le soir venu, on s’éblouit à coup de flashs électroniques, on
siffle les représentations des cinémas voisins et l’on distribue autant de ballons de
baudruche que d’épingles pour les crever, en espérant susciter dans le public des
interactions imprévues. On se figure assez bien l’idéal d’une telle fête en regardant la
scène centrale du film pratiquement contemporain de Marco Ferreri, L’uomo dei cinque
palloni (1965, sorti en 1969), où l’on suit Marcello Mastroianni dans un night-club
dont le décor oscille pareillement entre l’environnement cinétique et la baraque foraine
— avec son entrée en forme de tunnel, ses parois réfléchissantes recevant des projections
colorées, son hypnotique spirale noir et blanc en mouvement —, rempli de ballons
que les danseurs finiront par faire exploser dans une frénésie de musique et de
lumière pulsée. Après l’indéniable succès de cette première sortie dans la rue en forme
de parade de cirque au-devant d’un public qu’il faut bonimenter, Le Parc voit plus loin
et envisage d’aménager un ancien bus de la RATP pour partir en tournée dans la
France entière, peut-être dans les traces d’un chapiteau en vogue ou d’une vedette de
variété, et assume totalement le statut qui en découlerait : « On nous prendra pour des
forains ? Pourquoi pas ? Ce qui importe, c’est de sortir enfin de l’éternel circuit où l’Art
— l’Art exquis, l’Art précieux — meurt lentement de son narcissisme 9. » « On nous
appelle les forains, la route est notre domicile », chantent George Chakiris et
Grover Dale dans Les Demoiselles de Rochefort (Jacques Demy, 1967), où ils communiquent
à la ville entière une liberté et une légèreté de l’être inaccessibles — en dépit
de ses prétentions avant-gardistes — au personnage qui incarne dans le film la sclérose
de cet art narcissique, le galeriste bien nommé Guillaume Lancien (Jacques Riberolles) 10.
Et si le magic bus rêvé par Le Parc, très dans l’air du temps, ne
voit finalement pas le jour, l’artiste s’en consolera en faisant circuler
l’année suivante dans les rues de Paris et de Dortmund une
« anti-voiture » dont le fonctionnement la transforme elle-même
en une attraction polyvalente : le pare-brise est une « cloison à
lames réfléchissantes » dont les essuie-glaces s’agitent inutilement
au-dessus de la tête du conducteur, lui-même assis sur des
sièges aussi instables que le marchepied du véhicule, qui se
dérobe au moindre appui ; les roues décentrées entraînent dans leur giration la structure
noir et blanc qui orne les jantes, le capot abrite sous sa coque transparente une
douzaine de balles de ping-pong sans cesse entrechoquées, les phares émettent une
lumière pulsante et les commandes du tableau de bord font partir des nuages de
fumée. Quelques années plus tard, en 1973, Nicolas Schöffer offrira le baptême de la
rue à sa sculpture Chronos 10, fixée sur le châssis d’une automobile Renault, pour
qu’elle y propage ses jeux lumino-cinétiques. D’une manière ou d’une autre, ces différentes
incursions urbaines ajoutent à la « parure mobile » de la rue, comme l’appelait
Gustave Kahn, au spectacle de plus en plus étincelant et dynamique dont elle est devenue
le cadre depuis les illuminations de l’électricité et l’invasion des machines. Car
c’est la ville tout entière qui aspire à se métamorphoser en scène de jeu, en music-hall
à ciel ouvert, en une féerie permanente qui miroiterait de « mille reflets mobiles 11 »,
rejoignant la conscience kaléidoscopique du flâneur baudelairien immergé dans le
spectacle électrisant de la ville moderne 12. La ville est elle-même un théâtre d’illusions
à décrypter sur le modèle de la fun fair, dans ses reflets et ses mirages, dans ses intensités
cinétiques et vibratoires, dans ses flux inconstants, ses énergies physiques et
mécaniques. C’est ce que décèle Saúl Yurkievich, attiré comme un papillon par la
lumière vers les expositions d’art cinétique qui lui rappellent « l’ambiance nocturne des
grandes villes » : « Elles ont quelque chose du parc d’attractions, du cabinet magique,
du laboratoire fantastique, du vol interplanétaire et de la science-fiction. Elles nous
soumettent à des stimulations immédiates, semblables à celles auxquelles nous
sommes confrontés dans le contexte urbain, mais sélectionnées et intensifiées 13. »
Théâtre magique
Ce qui précède est potentiellement explosif : mettre en évidence la généalogie
foraine des interventions de Le Parc et du GRAV, c’est aussi remettre
en cause certains des postulats qui ont dirigé l’action de ses membres.
Partis de la volonté affichée de « limiter l’œuvre à une situation strictement
visuelle » et d’« établir un rapport plus précis entre l’œuvre et l’œil
humain 14 », Le Parc et ses collègues se laissent rapidement déborder par un
monde d’effets impondérables. Ce visuel qu’il fallait objectiver échappe
bientôt à toute emprise analytique et ne se présente que sous les aspects les
moins réductibles. L’illusion et l’évanescence, le reflet fuyant et l’ombre
insaisissable, la métamorphose comme seul état permanent, sont les principales catégories
de l’opticalité cinétique : il ne peut en découler qu’un doute fondamental sur la
nature de ce qui est réellement perçu. En outre, des sensations physiques et kinesthésiques
submergent bientôt ce regard que le GRAV avait dans un premier temps isolé du
sensorium : l’intensité de certains chocs visuels n’est pas sans répercussions dans la
sensibilité profonde et Le Parc, à partir du deuxième labyrinthe présenté par le
groupe 15, s’ingénie à développer les dispositifs de contrainte au déplacement et à la
posture qui culmineront dans les deux corridors et le passage accidenté présentés par
le GRAV en 1967 au musée d’Art moderne de la Ville de Paris, dans le cadre de l’exposition
« Lumière et mouvement ». On entre dans un labyrinthe du GRAV (le premier a
été réalisé pour la Biennale de Paris en 1963) comme dans certaines attractions
foraines : en parcourant, généralement dans une quasi-obscurité, une enfilade de cellules
de maigres dimensions où se présente, la plupart du temps par surprise, une suite
de stimulations visuelles, sonores, tactiles et kinesthésiques. On y rencontre le même
type de phénomènes : éclats de lumière, reflets déformés ou démultipliés, obstacles
divers. Les miroirs courbes de Le Parc et les kaléidoscopes de Stein en descendent en
ligne directe ; sols mouvants et sièges instables avaient leurs équivalents à Magic City,
dans le parc d’attractions qui, au cœur du Paris de la Belle Époque, avait charmé
Robert et Sonia Delaunay, avant d’attirer les dadaïstes et les surréalistes 16 ; le public
joue avec les colonnes roulantes du GRAV comme aux autos tamponneuses ; Bowling
lumineux et Bonbon Flash Klaxon de Morellet (1965) ne dépareilleraient pas un stand
de tir : lancer des boules et déclencher un avertisseur sonore entraîne la soudaine et
violente illumination des œuvres. Choc et surprise caractérisent au même degré cette
intensification sensorielle que les loisirs populaires ont de longue date cultivée.
Kinesthésie, illusions et vertiges optiques, présence dans l’espace et dans le temps :
autrement dit, tout ce que le modernisme dans sa version la plus rigoriste a répudié sous
l’étiquette infamante de theatricality. C’est avant tout pour le minimalisme que Michael
Fried met avant ce mode impur de la relation instaurée par l’œuvre quand celle-ci
n’existe plus en dehors de l’observateur, dont le statut évolue alors en celui de spectateur.
Tandis que l’œuvre moderniste ne devrait exister que pour elle-même et fonder sa
noble autonomie sur la recherche essentialiste de sa propre spécificité, l’œuvre qui
adopte les caractéristiques théâtralistes s’installe dans une forme de présence scénique
(stage présence) qui est selon lui l’expression d’une véritable hostilité envers l’art véritable
; ce dernier ne pouvant que dégénérer à mesure que ses conditions d’existence se
rapprochent de celles du théâtre, considéré non comme art en lui-même mais comme ce
qui gît entre les arts 17. Mais pratiquement au même moment, un autre tenant de l’autonomie
moderniste, Harold Rosenberg, n’hésitait pas à embrasser dans ce même reproche
toutes les formes environnementales et immersives de l’art de son temps, la performance
et le happening, le Pop art ainsi que l’art optique et cinétique, dont l’orientation
générale vers l’implication du spectateur lui semblait pousser l’art dans l’indistinction
irrémédiable avec le divertissement et les médias de masse. Encore traumatisé par le
récent succès de l’exposition « Responsive Eye » au Museum of Modern Art de New York
en 1965, qui semblait avoir menacé une hégémonie américaine à peine établie sur les
bases d’un art autonome et pleinement imprégné du sens élevé de sa mission, Rosenberg
fait plus spécifiquement porter sa critique contre le « théâtre des sens » instauré par l’art
optique et cinétique. Ses productions sont clairement assimilées aux attractions foraines
(fairground and circus exhibits) et ses artistes à des « magiciens » qui se rendent
coupables de « manipulations sensorielles » en « agissant directement sur le système nerveux
lui-même », selon des procédés confinant à l’hypnose et à la subjugation 18.
L’anxiété du critique est perceptible : car c’est aussi la conception
du sujet valorisée par la théorie moderniste, un sujet lui-même
autonome et rationnel, absolument conscient et maître
de lui, qui risque de s’effondrer dans le grand dérèglement des
sens orchestré par ces forains d’un nouveau genre à l’intention
d’un public dont le regard pourrait — ô stupeur ! — se révéler
absolument émancipé de tout surmoi culturel.
À l’inverse, Jack Burnham a pu lire dans cette poussée de
la théâtralité (il se réfère explicitement à Fried auquel son texte vaut réponse) une
transition majeure vers ce qu’il nomme une « esthétique post-formaliste » au sein de
laquelle il redonne leur juste place non seulement aux minimalistes, mais aussi aux
happenings et aux installations multimédia, dont celles de l’art lumino-cinétique. Il
attribue à l’ensemble de ces tendances le mérite d’avoir fortement relativisé l’importance
du visuel au profit du kinesthésique, et ainsi d’avoir fait de l’exercice du regard
une expérience beaucoup plus complète et intégrée 19. Dans son compte rendu de
l’exposition « Magic Theater », organisée en 1968 par Ralph T. Coe sous l’égide de la
Nelson Gallery of Art et de la Performing Arts Foundation de Kansas City, Stephen
Bann était allé dans le même sens en rappelant le rôle majeur joué par certains artistes
du lumino-cinétisme dans l’instauration de ce nouveau paradigme théâtraliste 20.
L’exposition, entièrement centrée sur la scène américaine à l’exclusion de toute autre
référence 21, entérinait en effet certaines des évolutions récentes impulsées par les
acteurs du cinétisme européen : déplacement du centre d’intérêt de l’œuvre vers le
spectateur, installation d’environnements capables de concentrer des expériences perceptuelles
multiples à travers une « programmation » et une « planification » esthétiques
raffinées, fin de la suprématie des formes au profit d’une attention aux formes
de la perception. En concurrence directe avec les prétentions de l’art psychédélique
contemporain et de ses light-shows multimédia, ces œuvres définiraient selon Coe un
« théâtre psychique » dont le contenu serait directement « introduit dans l’esprit » plutôt
qu’exprimé dans des formes qui lui resteraient étrangères, et cela en faisant appel
à une faramineuse capacité de « transmission magique soumise au pouvoir occulte de
la lumière 22 ». Si l’apport spécifique du GRAV semble à Burnham parfois rester en deçà
des espérances de cette nouvelle esthétique, et si Bann dédouane totalement Le Parc
et ses amis de ce « retour au mystère, sinon à la mystification 23 », on ne peut pourtant
s’empêcher de relever ce qui, dans leur propre théâtre optique, appartient pleinement
à cette généalogie de la « magie catoptrique » et des « métamorphoses spéculaires »
mise en évidence par Jurgis Baltrusaitis dans les mêmes années — quand, soumis à
toutes sortes de manipulations ou de déformations, le miroir devient lui-même objet spectacle
: alors, « les mêmes lois de réflexion qui, sur une surface plane, isolée,
donnent des figures similaires, font naître dans des miroirs multipliés et incurvés différemment
disposés, des visions fallacieuses et féeriques 24 ».
Certes, cet « art trompeur 25 » du reflet et de la lumière mobile s’est aussi transmis
à travers la tradition constructiviste, dans sa composante, cela dit, la moins
réductible à un quelconque formalisme géométrique et la plus réceptive, au contraire,
à la « vision en mouvement » promue par un Laszlo Moholy-Nagy. L’auteur du très
théâtral Licht-Raum Modulator (1930) aura cherché à fonder l’humanisme de l’ère
machiniste et industrielle sur l’accroissement de la dimension perceptive et émotionnelle
de tous les apprentissages cognitifs, dans l’objectif affirmé de « ressentir ce que
nous savons et savoir ce que nous ressentons 26 ». En 1958, Le Parc quitte l’Argentine
en emportant dans ses bagages le livre d’un des émules de cet enseignement à une
kiné-vision adaptée à la libération des formes dans l’espace-temps : Fundamentos del
Diseño de Robert G. Scott, professeur de design à Yale, orienté par l’idée que « le
mouvement […] fait partie intégrante de toute conception visuelle (diseño visual) 27 ».
Le jeune artiste aura certainement été sensible, parmi d’autres apports de l’ouvrage,
à son chapitre « Lumière et mouvement », qui examine en détail, avec un luxe de schémas
et de photographies, le comportement de la lumière dans l’espace selon une
conception dynamique de la forme et de la perception où dominent le contingent et
le relatif : un petit précis de phénoménologie cinétique avant l’heure, qui repasse par
une brève histoire de la projection lumineuse, incarnée dans la figure centrale de
Thomas Wilfred et de son art « Lumia », avant de désigner à la peinture et à la sculpture,
comme l’avait déjà fait Moholy-Nagy, un avenir de métamorphoses et de mobilité
28. Du reste, ce n’est pas parce que les fantasmagories sont produites avec des
instruments de précision, que les « perspectives dépravées » de l’anamorphose
appliquent strictement les lois de l’optique géométrique, et que le GRAV a parfois
appuyé sur un discours scientiste l’exhibition de ses propres théâtres catoptriques ou
appareils métamorphiques, que ces derniers ne sont pas à leur tour redevables de ce
lignage de la merveille et de l’illusion mis au jour par un Baltrusaitis. Comme dans les
miroirs bosselés (dits « sorcières ») de la Renaissance maniériste, on cherchera en vain
à recomposer une image de soi dans les faces-à-main aux différents compartimentages
et cannelures que nous tend « El Mago » Le Parc 29. Ses Boîtes couleur lumière
reconduisent dès le début des années 1960, et par des moyens très proches (des structures
prismatiques rétro-éclairées), l’enchantement des kaléidoscopes, à travers lesquels
l’intuitive conception d’un ordre cristallin du monde peut se faire jour. Ses
reliefs à miroirs courbes font basculer le monde stable et rassurant de la géométrie
dans celui, incertain et mouvant, de l’anamorphose. Ses miroirs déformants ou multiplicateurs
sont présents dans les cabinets de physique avant même d’être intégrés à
la panoplie de la fête foraine et de la prestidigitation (et, de ce point de vue, ne sont
pas bien différents de ceux que Robert Whitman avaient intégrés, après lui, à sa
propre installation pour « The Magic Theater »).
Baltrusaitis aura choisi de cantonner son histoire à ces lieux comme les
Wunderkammer où la science se sépare progressivement et difficilement de la magie,
laissant de côté ces autres espaces périphériques de l’histoire du regard que constituent
les attractions des divertissements populaires (alors même que la fête foraine et le
music-hall ont historiquement hérité de la même fonction de médiation du savoir scientifique,
par le spectacle et le divertissement). À l’exception d’un seul exemple, il est vrai
majeur et généralement mal connu des historiens de l’art : le Palais des Mirages du
musée Grévin (auxquels certains contesteraient cette appellation de « musée », trop
digne pour lui, et dont Baltrusaitis évite d’ailleurs soigneusement d’écrire le nom…).
Rare vestige des attractions optiques de l’Exposition de 1900, le public le connaissait
alors sous le nom de Salle des Illusions et venait y éprouver l’expansion vertigineuse de
son champ de vision dans un espace considérablement démultiplié, et mouvant qui plus
est. Conçu par l’architecte et ingénieur Eugène Hénard, ce kaléidoscope immersif, inscrit
dans un cercle de onze mètres de rayon, permettait de percevoir jusqu’à trente-six reflets
de l’espace central hexagonal, progressivement révélés par les modulations colorées de
l’éclairage électrique, et variés par la rotation des six piliers architecturés placés aux
angles de la pièce 30. Comme on le voit, ce chef-d'œuvre d’environnement pénétrable,
ignoré des histoires de l’art moderne en dépit, justement, de sa modernité, pourrait
encore en remontrer à ses proches équivalents des années 1960. À commencer par celui
que Stanley Landsman construisit pour « The Magic Theater », ou ceux de Yayoi Kusama
au moment où elle s’intéressait aux activités du GRAV et de la Nouvelle Tendance 31,
sans oublier ceux apparus dans le contexte spécifique de l’art optique et cinétique, chez
Christian Megert notamment (Spiegelraum, 1968). On peut du reste supposer qu’aucun
de ces artistes ne se doutait figurer ainsi au nombre des lointains héritiers d’Anastasius
Kircher et de sa maison catoptrique, aux parois couvertes de glaces réfléchissantes, gravée
dans son Ars Magna en 1646, à propos de laquelle Baltrusaitis relève à juste titre que
celui qui y pénètre (la galerie des Glaces de Versailles en aura donné une idée) devient
irrémédiablement l’acteur d’un spectacle dont il est lui-même l’objet, dans la grande
tradition du baroque mais aussi en une anticipation prémonitoire du nouveau rôle participatif
que l’observateur endosse à l’âge de la théâtralité post-formaliste.
Politique de la perception
Car la généalogie foraine et magicienne des interventions de Le Parc ne se révèle pas
seulement à travers son corpus d’objets et d’installations en tout genre. C’est aussi,
bien entendu, l’une de ses idées maîtresses — la participation du spectateur — qui en
dépend étroitement. Les sources d’une conception active et participative du destinataire
de l’œuvre ne doivent en effet pas être cherchées ailleurs que dans ce creuset de
la fête foraine, du cirque et du music-hall (Marinetti en dresse les louanges dès 1913
pour cette raison précise 32), des parcs d’attractions, des expositions universelles et de
leurs théâtres optiques, où la perception bousculée et troublée oblige le spectateur à
s’éprouver comme tel. Historiquement, ces lieux ont pu être considérés comme ceux
de la reconquête, par le populaire, de son expérience corporelle vitale, libérée de
toute tâche productrice aliénante comme de la visualité hyperbolique du monde
moderne 33. À l’instar de ce qui se passe aussi avec le développement parallèle des
sports, l’engagement physique peut alors trouver à se satisfaire, plutôt que dans la
répétition mécanique des tâches quotidiennes, dans le contexte émancipateur du jeu
et du divertissement. Et si l’on utilise aussi à la mécanique du plaisir les dernières
ressources de la science amusante et des techniques, les machines et l’électricité, c’est
pour en faire une expérience plus vivante et incarnée, où le sujet gagne une existence
séparée du quantifiable et du fonctionnel en s’engageant sur le chemin d’un renouveau
de la perception elle-même, nourrie et enrichie par le jeu et le plaisir. Sous
l’apparence de la technologie, les divertissements populaires deviennent une source
nouvelle de jouissance sensorielle. De la même manière, les accessoires de Le Parc
opèrent la mue des palais de l’art et des aristocratiques galeries des glaces en théâtres
d’illusions au milieu desquels le public vient se presser en une frénésie collective où
se retrempe le corps social, où l’on vient, à tous les étages de la société moderne,
« vaincre la solitude des foules et retrouver en quelque sorte les conditions de participation
des sociétés primitives 34 ».
L’avènement d’un nouveau public démocratique dans l’euphorie communicative
du jeu et du divertissement : voilà donc en quoi réside la signification politique du prix
qui échoit à Le Parc à la Biennale de Venise en 1966, comme le comprennent les commentateurs
acquis à la cause. À l’instar d’un Pierre Restany saluant, en même temps
que « la mort d’une certaine peinture », la naissance de « l’homo ludens contre l’homo
faber » et d’un type d’artiste qui, pénétré de son rôle inédit de « poète du temps libre »
et de « spécialiste du bien-être dans le loisir », se chargera de « combler l’immense
lacune de l’ennui humain ». À l’orée de cette « Seconde Renaissance », Le Parc est
reconnu par le critique comme le représentant de la « variante technico-optique de
l’art-jeu », aux côtés de certaines propositions équivalentes du Pop Art et du Nouveau
Réalisme : la question n’est donc pas celle de l’affrontement entre les places et les étiquettes
artistiques, mais celle de la naissance, au milieu de multiples résistances, d’une
« nouvelle justification sociale de l’art », d’après laquelle sa fonction ludique lui permettra
de « communiquer une certaine énergie existentielle à l’état brut » et « une nouvelle
joie de vivre 35 ». Même constat œcuménique chez Michel Ragon l’année suivante : op
et pop travaillent de concert, dans la synthèse des arts du spectacle et des arts plastiques,
à la naissance de l’« art-jeu » et de l’« art-spectacle » qui animera de sa fête perpétuelle
les villes hédonistes de demain. De ce point de vue, les environnements du
GRAV (comparés à des billards électriques aux dimensions du luna park), la Nana
géante et habitable de Jean Tinguely et Nikki de Saint-Phalle, La Plage de Martial
Raysse ou le pénétrable La Menesunda de la compatriote de Le Parc, Marta Minujin, se
valent comme autant de preuves de « la naissance d’un style, ce style nouveau de cet
homme nouveau qui aborde aux rivages heureux du loisir et du jeu 36 ». Même son de
cloche avec Eddie Wolfram alors que Le Parc expose à la galerie Indica de Londres : ce
qui s’est passé à Venise était une manière d’entériner « la banqueroute des conceptions
esthétiques traditionnelles au regard du présent post-Pop de la situation culturelle ».
L’art de Le Parc est l’art politique d’un changement de paradigme sociétal où le sujet
participerait lui-même à la construction d’une autre communauté, où l’éducation et le
travail seraient découverte et amusement, c’est-à-dire « une façon de choisir comment
utiliser notre temps 37 ».
Cet homo ludens, dont l’inspiration première est certainement à chercher du côté
de Johan Huizinga, dont l’essai éponyme date de 1938 38, et de l’idéologie du Front
Populaire 39, est selon Wolfram le sujet cybernétique par excellence, non pas celui que
désignerait ainsi une techno-structure bureaucratique, mais le sujet qui, dans le dialogue
renouvelé avec les objets participatifs que lui propose l’artiste, remet sans cesse
en question ses propres attitudes programmées et accepte le changement comme seule
constante de son expérience 40.
Alors que la triomphale tournée sud-américaine, qui emporte au cours de l’année
1967 les œuvres de Le Parc de l’Argentine au Venezuela et du Venezuela au
Mexique, en passant par l’Uruguay et le Paraguay, suscite les mêmes débats passionnés
autour de la justification de ce « parque de diversiones 41 », le fameux critique vénézuélien
Arturo Uslar Pietri s’enthousiasme à son tour pour cet art de la gratuité, qui n’explique
rien car « il n’y a rien à expliquer ni à comprendre » : « Ni signification ni règle à
observer dans le dédoublement des images et des formes qui se font et se défont sans
cesse sous les yeux du spectateur et, la plupart du temps, avec sa participation. Ce
n’est plus l’art de raconter ou de représenter, mais un jeu ou une expérience auxquels
chacun peut participer, cultivé ou non, comme en un prodigieux spectacle d’invention
continue et inespérée. » Son public n’est plus, ou plus seulement, celui des expositions,
mais un public à la fois « plus hétérogène » et « plus pur », qui retrouve spontanément,
nullement dépaysé, les attitudes qu’il adopterait en allant au cirque ou à la fête
foraine 42. Ce qui s’accorde avec les propres intentions du GRAV telles que Stein les
énonce au même moment : « Par le jeu nous arrivons à un engagement total du spectateur
adulte ou enfant, ignare ou cultivé, qu’importe, il y a une mise en situation, une
relance de l’attention qui ne s’appuie pas sur une préconnaissance, mais sur la surprise,
le geste, la provocation 43. » Dans ces mêmes années, par un juste retour des choses, on assistera dans l’industrie médiatique du divertissement de masse à la réappropriation
du vocabulaire de l’art optique et cinétique par ces modernes forains et
bateleurs que sont les producteurs et les animateurs du premier âge d’or de la télévision.
Ce sont les années « Dim Dam Dom », du nom de l’émission de Daisy de Galard,
qui familiarise le grand public avec les applications du vocabulaire de l’art optique et
cinétique à la mode et au design. Celles où les génériques de l’émission de variété
« Tempo » (Michèle Arnaud et Michel Drucker) recyclent les effets de la Sphère-Trame
de Morellet et des « recherches graphiques » d’Yvaral, deux membres du GRAV, tandis
que Gilbert Bécaud chante dans des décors empruntés aussi bien aux compositions de
Vasarely qu’aux Lames réfléchissantes de Le Parc, et que Serge Gainsbourg évolue sur
une scène aménagée par Jesus Rafael Soto pour une autre émission de Michèle Arnaud,
« Les Quatre Temps 44 ». Ce sont les années, enfin, où les effets optiques et cinétiques
de Jean-Christophe Averty « douchent » un public qu’il s’agit de faire réagir jusque chez
lui, par l’intermédiaire de la petite lucarne, en suivant un programme de démocratisation
de l’image et de stimulation subversive du spectateur qui ne paraît pas si éloigné
de certaines des prétentions du GRAV 45.
Ainsi la transformation des relations œuvre-spectateur et artiste-société devait
être le laboratoire des transformations sociales, la participation du spectateur et la
« socialisation de l’art » allaient impliquer plus profondément le sujet démocratique
dans la construction de la communauté à venir. L’« œuvre monologue », énoncée par
l’artiste depuis sa position de surplomb, laisserait la place à l’« œuvre dialogue 46 », de
la même manière que l’exercice de la concertation allait immanquablement se substituer
aux décisions d’un pouvoir solitaire. La participation était en effet devenue l’une
des notions-clés du discours politique et social des années 1960. Elle se décline dans
le programme de la présidence gaulliste en participation des travailleurs et en participation
institutionnelle et électorale, dans les régions et à l’université, elle comporte
une dimension individuelle et collective, directe et indirecte : « Organiser la participation
là où elle ne l’est pas encore, la développer là où elle existe. Voilà ce que nous avons à appliquer 47. » Réponse à l’affrontement mortifère des idéologies
capitalistes et communistes, la participation doit soutenir la
conscience d’appartenir à la communauté et d’être co-responsable de
son devenir. Son volet social connaît un début de réalisation par l’ordonnance
du 17 août 1967 sur la participation des travailleurs aux
fruits de l’expansion, tandis que le volet politique est intégré à la proposition
d’un « référendum sur la participation » annoncé au beau milieu
des événements de Mai-1968 : cette mutation sociétale devra « comporter
une participation plus étendue de chacun à la marche et aux résultats
de l’activité qui le concerne directement48. » Si la société de
participation se fracasse sur l’échec du référendum, au mois d’avril de
l’année suivante, l’idée en anime encore le projet de « nouvelle société »
porté par le premier ministre de Georges Pompidou, Jacques Chaban-
Delmas, avant de se dissoudre dans le ronron giscardien qui lui fait suite. C’est que
l’idée, même portée par la frange progressiste du gaullisme, n’était pas sans susciter
beaucoup de défiance. Au début des années 1960, le sociologue Joffre Dumazedier
avait posé la question de la viabilité politique de la « civilisation du loisir » apparue
sous l’effet de l’accroissement du temps libre. Fondateur et animateur d’une association,
Peuple et Culture, qui militait pour l’accès des masses aux loisirs culturels, il
s’inquiétait pourtant de la propension des sociétés du loisir « à détourner une partie du
potentiel social du champ de la production et des tensions suscitées par les rapports
sociaux 49 » et mettait en avant la crainte de voir l’homo ludens s’évader de ses responsabilités
sociales et politiques : « La vie jouée se développe alors au détriment de toute
vie engagée 50 », regrettait-il.
Voilà un genre de suspicion qui ne risquait pas d’atteindre Le Parc, si l’on considère
la politique de la perception dont relève depuis le début la dimension participative
de son « art-jeu », puis le durcissement que l’artiste manifeste dans son engagement
à partir de 1968. Confronté au succès de sa tournée sud-américaine, et soucieux de ne
pas laisser se développer autour de son travail comme de sa personne une mythologie
semblable à toutes celles que le GRAV avait dénigrées, il annonce déporter son action sur le terrain d’une « guérilla culturelle » dirigée contre les structures du monde de
l’art : « L’intérêt réside désormais non plus dans l’œuvre d’art (avec ses qualités d’expression,
de contenu, etc.) mais dans la contestation du système culturel. Ce qui
compte, ce n’est plus l’art, c’est l’attitude de l’artiste 51. » Après l’auto-dissolution du
GRAV, en novembre 1968, il déclare adopter « un comportement de lutte » et « une
vision plus politique et réaliste de la situation actuelle 52 ». Cette même année, sa
démission du comité directeur du Salon de Mai et le retrait de ses œuvres de la
Documenta de Cassel marquent le début d’une suite de coups d’éclats contre les structures
artistiques. Entre-temps, le 6 juin, Le Parc a été arrêté, avec Hugo Demarco, alors
qu’il circulait à proximité des usines de Flins où de violents affrontements se déroulaient,
et expulsé du territoire français par une mesure qui se prolonge durant cinq
mois, en dépit d’une très large mobilisation des milieux artistiques et intellectuels 53.
La fièvre retombée, la question se pose : « Que vont faire les très nombreux signataires
qui, avant l’été, promettaient de ne plus collaborer avec le gouvernement gaulliste 54 ? »
Le Parc tient sa réponse : en 1972, non sans panache, il joue sa rétrospective au musée
d’Art moderne de la Ville de Paris à pile ou face, la perd et — le seul des anciens
membres du GRAV à assumer cette position — refuse en outre de participer à l’exposition
« 72/72. 12 ans d’art contemporain en France » au Grand Palais, tant elle lui
semble marquée au sceau d’une culture officielle soupçonnée de récupération politicienne.
Il prend alors une part active aux activités du Front des Artistes Plasticiens, qui
mène la vie dure aux autorités culturelles jusqu’à l’inauguration du Centre Pompidou
en 1977 55. Sa participation à l’Atelier populaire des Beaux-Arts lui aura peut-être rappelé
ses années de formation à Buenos Aires, quand, au moment de la chute de Perón,
en 1955, les étudiants avaient occupé simultanément les trois écoles d’art de la ville et
obtenu la destitution de leurs directeurs ainsi qu’une modernisation substantielle du cursus académique. Publié en France par les soins de Jean Clay dans la revue Robho,
le texte et la notion de « guérilla culturelle » font également l’objet d’une forte diffusion
en Amérique latine 56, par le sort de laquelle l’artiste se sent concerné au premier chef.
En 1969, il mène avec succès le boycott de la Biennale de São Paulo en protestation
contre le régime issu du coup d’état de 1964. Tout au long des années 1970, il retrouve
l’action collective, au sein du groupe Denuncia, qui montre en 1972 un ensemble
d’oeuvres réalistes dénonçant la torture, mais aussi avec la Brigade des peintres antifascistes
et le Collectif des peintres antifascistes qui défile bannières au vent dans les rues de Paris au 1er mai 1976. En ces occasions, il met au service des causes défendues un métier de peintre
traditionnel et une figuration directe et efficace, aux sujets et aux intentions immédiatement lisibles. Renoncement ? Plutôt l’application d’une stratégie qui n’exclue pas les autres. Plus que jamais « simple ouvrier de la recherche plastique 57 » (qui, à l’instar d’un Carl Andre aux États-Unis, ne quitte pas le bleu de travail dans lequel il range à portée de main les instruments de
son activité), il oriente aussi le dispositif de la salle de jeu vers l’expression participative de la contestation : alors, écrit Jean-Louis Pradel, « le laboratoire interactif se transforme en jeu de massacre où les spectateurs sont invités à renverser les corps constitués 58 ». La « Salle de Jeux » de la rétrospective que la Kunsthalle de Düsseldorf offre à Le Parc en 1972 est un des sommets de son art forain, où les attractions que l’on connaît déjà s’augmentent de plusieurs jeux d’adresse. On lance des pelotes sur les silhouettes d’un théâtre d’ombres où se reconnaissent les profils type du dictateur militaire et du personnage de Mickey, du prêtre et de la mère de famille, de l’idole de la variété et de la pin-up (Faites tomber les mythes, 1969). Plus loin, l’« impérialiste », le« capitaliste », le « militaire », l’« intellectuel neutre », le « policier » et l’« indifférent » se succèdent sur une cible noire et blanche contre laquelle le visiteur peut décider de
lancer des fléchettes en étant sûr de faire mouche à tout coup (Choisissez vos ennemis,
1970). Au centre, près d’une vingtaine de grandes baudruches sérigraphiées à l’image
des mêmes figures stéréotypées (plus le professeur, le juge, le sportif, l’acteur, le maire,
le député, le journaliste, le médecin…, sans oublier l’artiste, sous les traits de Le Parc
lui-même) peuvent être frappées comme des punching-balls (Frappez les gradés, 1971).
Dans le droit fil des enquêtes du GRAV, une série de questionnaires permettait aussi au
spectateur de mettre à distance son impulsivité et de se retourner sur les motivations
de ses actes, en indiquant l’ordre de ses détestations et de ses rejets. Participation et
conscientisation pouvaient donc aller de pair dans la fun house de Le Parc.
Il n’est pas sûr, cependant, que cela ait suffi à satisfaire les attentes du public
acquis à une « culture cultivée » nettement séparée du divertissement et de la culture
populaire. En revanche, l’art-jeu et l’art-spectacle de Le Parc aura comblé tous ceux qui
recherchent aussi dans le frottement avec les formes et les situations visuelles les stimulations
utiles à l’entretien de la vie, les « joies sauvages » dont parlait Vasarely 59 —
l’un des premiers maîtres à penser d’El Mago. Ceux-là savent instinctivement que le
plaisir contemplatif du beau et celui actif du jeu ne sont pas loin, que tout jeu renferme
des éléments esthétiques et, comme le pensait déjà un prosélyte du caractère
vital de l’art et du jeu, le très moderne Jean-Marie Guyau, que « dans les grandes jouissances
de l’art, voir et faire tendent à se confondre », car « le spectateur jouit d’autant
plus qu’il est moins passif 60 ». Il y avait là au moins l’esquisse d’un manifeste de la
participation dans l’art et l’apologie d’un spectateur total, compris dans l’ensemble de
ses facultés actives et perceptives — mais bien avant l’heure, en pleine vogue des parcs
d’attractions et des expositions universelles.
.
1. Les termes de ce débat sont clairement posés par Didier Ottinger dans Dreamlands, cat. exp., Paris, Centre Pompidou, 2010, p. 19-26, sans toutefois que le luna park de l’art cinétique, dont il va être question ici, n’entre en ligne de compte une seule fois.
2. Il existe pourtant de nombreuses histoires de ces objets, mais il n’est pas sûr qu’elles aient encore vraiment informé les histoires de l’art moderne, qui continuent de s’écrire sans que soit réellement interrogé l’impact de ces productions sur les oeuvres « consacrées ». Leur histoire reste une histoire parallèle, ou juxtaposée, à celle des « beaux-arts », en dépit de certaines études exemplaires comme celles de Pascal Rousseau sur Robert Delaunay et la culture visuelle des loisirs urbains (« Visions simultanées. L’optique de Robert Delaunay », Robert Delaunay, 1906-1914 : de l’impressionnisme à l’abstraction, cat. exp., Paris, Centre Pompidou, 1999, p. 77-87).
3. Ou cette « contre-histoire de la modernité artistique », pour le dire dans les termes de Jacques Rancière, qui a ébauché, avec le prélude à son Aisthesis. Scènes du régime esthétique de l’art (Paris, Galilée, 2011, p.9-17), le socle théorique de cette entreprise, et donné, avec les chapitres qui suivent, certaines études de cas auxquels l’appliquer.
4. Le jury international de sept membres ne s’étant pas accordé sur le nom de Roy Lichtenstein, en faveur duquel la galerie Leo Castelli avait mené une campagne agressive, le Français Martial Raysse, autre favori, revenait dans la course. Mais la France venait déjà d’être distinguée par le prix de sculpture, partagé entre Etienne Martin et Robert Jacobsen : le choix de Le Parc pouvait donc être compris comme un choix par défaut. Voir « Year of the Mechanical Rabbit », Time, juin 1966, p. 38-41 ; Otto Hahn, « Les marchands de Venise », L’Express, 27 juin-3 juillet 1966.
5. Pierre Mazars, « La peinture se meurt, la peinture est morte », Le Figaro litteraire, 23 juin 1966, p. 13.
6. Michel Conil Lacoste, « Tableau d’une exposition », Le Monde, 22 juillet 1966, p. 11.
7. Voir par exemple Jean-Albert Cartier, « L’art dans la rue grâce au Groupe de Recherche d’Art Visuel », Combat, 26 avril 1966
8. « Le Groupe de Recherche d’Art Visuel présente : Une journée dans la rue », dépliant, reprod. dans : Stratégies de participation. GRAV – Groupe de recherche d’art visuel, 1960-1968, cat. exp., Grenoble, Le Magasin, 1998, p. 172.
9. J. Le Parc à Christine Duparc, « Julio Le Parc : voulez-vous jouer avec lui ? », Le Nouvel Adam, décembre 1966.
10. Comme l’a admirablement démontré Michel Gauthier dans « Les Demoiselles de Rochefort. Projet pour une révolution picturale », Les Cahiers du musée national d’Art moderne, Paris, Centre Pompidou, no 112-113, été automne 2010, le film de Demy peut être considéré comme le manifeste visuel d’un art proprement « forain »(du latin foris, « dehors »), c’est-à-dire qui se risque, au-delà des frontières culturelles, « à la promiscuité du non-art » (p. 41-42), selon une démarche qui n’est pas sans rappeler celle que nous considérons ici.
11. G. Kahn, L’Esthétique de la rue, Paris, Fasquelle, 1901, p. 274.
12. Charles Baudelaire, « Le peintre de la vie moderne », Écrits esthétiques, Paris, Union générale d’éditions, coll. « 10/18 », 1986, p. 369-370.
13. S. Yurkievich, « Julio Le Parc, promoteur de l’art technologique » [1967], repris dans : Jean-Louis Pradel, Julio Le Parc, Severgnini, 1995, p. 292
14. GRAV, « Transformer l’actuelle situation de l’art plastique », tract, 1961, reprod. dans Stratégies de participation, op. cit., p. 74.
15. Labyrinthe II, présenté à l’occasion de l’exposition « Propositions visuelles du mouvement international Nouvelle Tendance » au musée des Arts décoratifs de Paris en avril-mai 1964.
16. Voir à ce sujet la mise au point de Clément Chéroux, « L’œil de l’ilinx. Les avant-gardes à Luna Park », Dreamlands, op. cit., p. 84-87.
17. M. Fried, « Art and Objecthood », Artforum, juin 1967, dans : Gregory Battcock, Minimal Art. A Critical Anthology [1968], Berkeley-Los Angeles-Londres, University of California Press, 1995, p. 116-147.
18. H. Rosenberg, « Mobile, Theatrical, Active », The Anxious Object [1966], Chicago et Londres, University of Chicago Press, 1982, p. 259-272.
19. J. Burnham, « Systems Esthetics », Artforum, vol. VII, no 1, septembre 1968.
20. S. Bann, « The Magic Theater », L’OEil, n° 164-165, août-septembre 1968, p. 39-45.
21. « The Magic Theater » offrait huit environnements sensoriels créés par Stephen Antonakos (Walk-On Neon),Terry Riley (Time-Lag Accumulator), Stanley Landsman (Walk-In Infinity Chamber), Robert Whitman (Dislocating Images), James Seawright (Electronic Peristyle), Howard Jones (Sonic Games Chamber), Boyd Mefferd (Strobe-Lighted Floor) et Charles Ross (Prism Environment).
22. Je cite la présentation de R.T. Coe d’après le catalogue de l’étape canadienne, « Le Théâtre magique-The Magic Theater », cat. exp., Montréal, musée des Beaux-Arts, 1969, p. 8-11. Voir aussi R. T. Coe, The Magic Theater, Art, Technology, Spectacular, Kansas City, Circle Press,1970.
23. S. Bann, « The Magic Theater », art. cit., p. 40.
24. J. Baltrusaitis, Essai sur une légende scientifique : le miroir, révélations, science-fiction et fallacies, Paris, Elmayan/Le Seuil, 1978, p. 12.
25. Pour reprendre le terme par lequel Laurent Mannoni embrasse l’ensemble de ces expériences visuelles jusqu’à l’art cinétique du xxe siècle, dans « The Art of Deception », Eyes, Lies and Illusions. The Art of Deception, cat. exp., Londres, Hayward Gallery, 2004, p. 41-52.
26. L. Moholy-Nagy, Vision in Motion, Chicago, Paul Theobald, 1947, p. 11.
27. R.G. Scott, Fundamentos del Diseno [Design Fundamentals, New York, McGraw-Hill, 1951], Buenos Aires, Victor Leru S.R.L., 199, p. 185.
28. Parmi les questions abordées, voir ainsi : « Dimensions de la lumière », « schémas de la lumière sur des objets dans l’espace », « ombres projetées », « translucidité et transparence », « le mouvement dans la lumière », « modulateurs de lumière », « Lumia : l’art de la lumière mobile », « Dimensions du mouvement », « Effet du mouvement sur la forme », «Compositions mobiles » (ibid., ch. 12 : « Luz y movimiento », p. 173-187). Cette énumération n’est pas sans rapport avec le programme de recherches sur la « couleur-lumière » que se donne Le Parc dans Propositions générales du Groupe de Recherche d’Art Visuel, Paris, 1962, p. 6 ; repris dans Stratégies de participation, op. cit., p. 84.
29. « Le Mage » : c’est ainsi que l’appelle Hernández Rosselot dans La Razón en 1967 (coupure de presse conservée dans l’un des press-books de l’artiste, Archives Le Parc, Cachan).
30. J. Derôme, « La Salle des Illusions », La Nature, no 1423, 1er septembre 1900, p. 209-211.
31. Selon plusieurs pièces d’archives conservées aux archives Le Parc à Cachan, consultées par l’auteur en 2001 au moment où il préparait son essai « De l’instabilité. Perception visuelle/corporelle de l’espace dans l’environnement cinétique », Les Cahiers du musée national d’art moderne, Paris, Centre Pompidou, no 78, hiver 2001-2002, p. 41-69.
32. « Le Music-hall est le seul théâtre qui utilise la collaboration du public. Celui-ci n’y demeure pas statique comme un stupide voyeur, mais participe bruyamment à l’action, chantant lui-même, accompagnant l’orchestre, soulignant les acteurs par des boutades imprévues et des dialogues bizarres. » (F.T. Marinetti, « Le Music-Hall » [1913], repris dans Giovanni Lista, Futurisme. Manifestes, documents, proclamations, Lausanne, L’Age d’Homme, 1973, p. 251).
33. Voir notamment Scott Bukatman, Matters of Gravity. Special Effects and Supermen in the 20th Century, Durham & Londres, Duke University Press, 2003, p. 81, passim.
34. J. Le Parc à C. Duparc dans « Julio Le Parc : voulez-vous jouer avec lui ? », art. cit., décembre 1966.
35. P. Restany, « L’homo ludens contre l’homo faber », Domus, août 1966, p. 37-40.
36. M. Ragon, « L’art de l’homo ludens », Jardin des Arts, no 157, décembre 1967, p. 36-44.
37. E. Wolfram, « Le Parc in London », Art and Artists, avril 1967, p. 42-43
38. J. Huizinga, Homo ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu [1938], Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1988. On pourrait enchérir à la manière humoristique de Joël Stein en étendant les références du groupe aux hypothétiques travaux de Strompf sur la « théorie des jeux », de Kromfeld sur « Die Ludich Civilization » et de Oscar Zimmermann « Pour l’utilisation rationnelle du jeu dans une civilisation des loisirs » (J. Stein, « Homo ludens », Robho, no 2, novembre-décembre 1967, n. p.).
39. Sur les dilemmes de l’art moderne confronté à l’émergence de la société des loisirs dans le contexte du Front Populaire et de la Reconstruction, voir : A. Pierre, « Ne travaillez jamais. Le “Triptyque des Loisirs” de Fernand Léger », La Partie de campagne. Fernand Léger et ses amis photographes, cat. exp., Biot, Musée national Fernand Léger/Paris, RMN, 2008, p. 17-25.
40. E. Wolfram, « Le Parc in London », art. cit., p. 43.
41. « Entre la estética y el parque de diversiones », Así, Buenos Aires, 24 août 1967, p. 23.
42. A. Uslar Pietri, « La Feria de Le Parc », El Nacional, Caracas, 26 novembre 1967.
43. J. Stein, « Homo ludens », art. cit.
44. « Décors de peinture à la TV », Connaissance des Arts, avril 1969.
45. Quoi que Le Parc ait pu en dire dans une déclaration ambivalente au sujet de l'auteur des « Douches écossaises » , puisqu’on ne sait si elle déplore ou se réjouit d’un état de fait (la récupération médiatique de l’art optico-cinétique) qui conduit à la démystification de l’art et de l’artiste (l’un des objectifs répétés du GRAV) : « Quand Averty prend un tableau de Vasarely et le met comme toile de fond pour une de ses émissions (avec au générique : “avec la collaboration involontaire de Vasarely”), il dénature le sens, il donne un côté décoratif. Il ne reste rien du fameux message de l’artiste. » (« Questions à Le Parc », Robho, no 1, juin 1967, p. 8).
46. Le Parc emploie ces expressions dans ibid., p. 8.
47. De Gaulle cité par Bernard Tricot, « De Gaulle et l’esprit de participation », Espoir, no 58, 1987.
48. Extrait de l’allocution télévisée du Général de Gaulle du 24 mai 1968, consultable à l’adresse <http://www.linternaute.com/histoire/magazine/mai-68/discours/discours-4-de-gaulle-24-mai.shtml>.
49. J. Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ?, Paris, Seuil, 1962, p. 42.
50. Ibid., p. 34.
51. J. Le Parc, « Guérilla culturelle ? », Robho, no 3, printemps 1968, n.p.
52. J. Le Parc, « Réponses à Caramel », GRAV, cat. exp., Milan, Electa, 1975, trad. dans : J.-L. Pradel, Julio Le Parc, op. cit., p. 308.
53. Une pétition recevra les signatures (parmi cent cinquante à deux cents noms) de Pierre Soulages, Edouard Pignon, Max Ernst, Roberto Matta, Nicolas Schöffer… ; Victor Vasarely, Denise René et Olivier Debré se mobilisent, ainsi qu’un « Comité contre la répression » fondé par Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir et Alain Resnais. Voir : Otto Hahn, « Julio Le Parc, l’indésirable du pont de Saint-Cloud », L’Express, 17-23 juin 1968, p. 129 ; Ch. Duparc, « Des “indésirables” », Le Nouvel Observateur, 12 juin 1968 ; « Solidaridad de los artistas de Francia con Le Parc y Demarco », coupure de presse sans provenance faisant partie, avec une revue de presse conséquente sur l’événement, des Archives Le Parc, Cachan.
54. C. Duparc, « La rentrée des convalescents », Le Nouvel Observateur, no 202, 23-29 septembre 1968.
55. Sur ces événements et leur contexte, voir le livre factuellement très informé de l’artiste et enseignant François Derivery, L’Exposition 72-72, Paris, E.C. Éditions, 2001.
56. Voir notamment : J. Le Parc, « Combate cultural », Cambió, Mexico, no 5, 1968 ; Clara Diament de Sujo, « Encuentros y Desencuentros con Le Parc », Revista Nacional de Cultura, Caracas, XXIXe année, no 183, janvier-février-mars 1968, p. 37-43 ; « Le Parc y la “Guerilla Cultural” », Excelsior, Mexico, 25 mai 1968 ; Tilo Rajneri, « Le Parc : la negación del arte y la reivindicación del artista », Rio Negro, General Roca (Argentine), 24 août 1969.
57. J. Le Parc, « Bases » [21 juin 1960] (Notes brutes, 1959-1961), dans : J.-L. Pradel, Julio Le Parc, op. cit., p. 260.
58. J.-L. Pradel, Julio Le Parc, op. cit., p. 20.
59. V. Vasarely, Plasti-Cité. L’œuvre plastique dans votre vie quotidienne, Tournai, Casterman, 1970, p. 62 : « Les contrastes aigus noir-blanc, l’insoutenable vibration des couleurs complémentaires, le papillotement des réseaux rythmés et des structures permutées, le cinétisme optique des composants plastiques, autant de phénomènes physiques présents dans nos œuvres, dont le rôle n’est plus d’émerveiller ou de nous plonger dans une douce mélancolie, mais de nous stimuler et de nous procurer des joies sauvages. »
60. J.-M. Guyau, Les problèmes de l’esthétique contemporaine, 3e édition, Paris, Alcan, 1895, p. 12.
ATELIER LE PARC - 2014