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L’illusion de Mai

 

Par Julio Le Parc - Quito, 10 mai 1998

 

Un rêve

un rêve partagé

un rêve pressenti

un rêve ancré au plus profond de chacun

un rêve qui tire vers le haut

un rêve qui vient des temps oubliés

un rêve de désirs impossibles

un rêve qui frappe de l’intérieur

un rêve de « quelquefois ».

Sentir que la vie aurait pu être différente.

Marcher, voir, découvrir chez les autres le miroir de soi-même

partager à pleines mains le plus beau, le moins prosaïque,

ce qui n’a pas de prix : l’illusion.

Projetée dans un présent imprévu mais désiré les Mai 68.

Combien de mais petits, silencieux contre l’arbitraire, les oppressions,

les injustices, les abus de pouvoir.

Et se reconnaître dans les mais infinis des autres

maintenant exprimés, maintenant criés avec soulagement, avec

joie, dans une utopie partagée.

La conjonction des aspirations qui réveille les vestiges d’une forme de vie

presque oubliée que peut-être des lointains ancêtres ont vécue, et les

gens se disent : « C’est possible ».

C’est comme une illumination : on donne tout, on veut tout.

C’est un moment magique qui donne une autre mesure de chacun,

qui nous réconcilie avec nous-mêmes par le partage des aspirations,

en nous découvrant prêts à la rébellion

et tout se met sens dessus dessous

C’est un désordre avec un fil conducteur qui rend possible l’impossible,

le nié, l’interdit et un éternel fugace se fixe dans les neurones et se

transmet vers l’avenir avant que ne vienne la minorité de ceux qui savent, de ceux qui codifient, de ceux qui mettent en ordre, de ceux qui créent

des normes, de ceux qui rationalisent, de ceux qui écrivent l’Histoire,

de ceux qui théorisent, de ceux qui donnent la cadence, de ceux qui

limitent, de ceux qui s’approprient, de ceux qui commandent, de ceux qui

dominent.

Mais il est là, là il reste, en compagnie de tant d’autres, ce Mai de 68

subrepticement à l’affût, dans l’attente, dans l’attente, dans l’attente…

 

 

ATELIER LE PARC - 2014