ARTICLE DE PRESSE

FRANCAIS

ENGLISH

ESPANOL

Art " objectif "et romantisme électronique

 

Julio Le Parc à la galerie Denise René, par Jacques Michel, Le Monde, 1966

 

Ni peintre ni sculpteur: Julio Le Parc est un artiste peu orthodoxe pour les classifications de la Biennale de Venise qui lui a attribué son prix cette année. Mais la Biennale avait pour l'occasion été amenée à reconsidérer ses étiquettes. Et cela est significatif de la conception que l'on se fait de l'art et de l'artiste. Dans la production de ce jeune Argentin installé à Paris depuis 1958, c'est à une sorte de jeu visuel d'ou est exclu tout sentiment subjectif qu'est convie le spectateur.

Il n'est d'ailleurs pas tenu à I 'écart: il lui faut parfois participer, entrer dans un labyrinthe, chausser des lunettes réfléchissantes qui le mettront au milieu d'un espace différent sans bouger d'un pas, appuyer sur un bouton pour déclencher la décharge électrique qui secouera dans un mouvement frénétique des lames de papier d'étain ou de matière plastique, fera voler des balles de ping-pong...

Comme Mondrian avait intégré l'intuition du monde industriel dans la rectitude de ses carrés de couleurs primaires, Julio Le Parc, qui a pris le relais du maître hollandais, semble être l'artiste de l'ère des " computers ", avec ses séries chiffrées, ses séquences à progression continue.

 

Mais il ne faut pas s'y tromper: il y a certes une certaine rigueur " mathématique " dans la manière d'inventer des formes et des " situations " sensibles, mais tout cela n'est pas exempt d'un certain romantisme qui met en vitrine l'inventaire électronique. Comme si le monde des chiffres et de ses résultantes, langage particulier des spécialistes, exerçait sur nous une sorte de fascination. C'est la manière de l'artiste d'exprimer son temps, d'intégrer dans le monde du sensible, à la portée du commun, les champs nouveaux conquis par la science et la technique.

 

A Paris, en 1958, Julio Le Parc réserve sa première visite à Vasarely. Mais ce sera pour constater ce qu'il appelle ses " contradictions ".

Comme Mondrian, Vasarely " compose ": " une forme ici, une autre là... ", choix arbitraire et guidé par un sentiment esthétique. Or le jeune Argentin pensait précisément voir en ces deux peintres des maîtres d'une peinture " objective ". Déception, ce ne sont que des " romantiques ".

 

Pour Julio Le Parc, " l'œuvre est un programme, je ne peux pas me tromper... ". Ainsi les " séquences juxtaposées de quatorze couleurs " où il obtient une modulation de l'espace par une utilisation chiffrée et programmée de la couleur. Les premières recherches étaient faites sur gouache. Des éléments de carton de couleur lui ont permis de multiplier plus rapidement ses expériences. " Je peux modifier a l'infini la disposition de ces quatorze couleurs... " (l'arc-en-ciel avec ses intermédiaires). Les petits carrés se mettent à vibrer, la surface plane ondule; elle vit. Le peintre passe alors tout naturellement à la troisième dimension: maquette en plexiglas, petite volets de laiton, feuilles de matière plastique...

La loi de la composition -" l'arbitraire ", est morte. Seule est souveraine la série " programmée ". L'invention artistique est livrée au déterminisme des chiffres.

 

Les efforts de réflexion des mouvements de lumière, d'images fractionnées, de formes virtuelles qui se transforment continuellement, placent le spectateur " en situation ": il ne peut plus rester impassible; il doit participer. Si bien que le travail de Julio Le Parc consiste moins à créer des " œuvres " en soi qu'à provoquer des " moments visuels ". Le support n'y est rien et la " personnalité " de l'artiste inexistante. La première victime de cette démarche est l'artiste peintre lui-même. Pour ce jeune Argentin, la période " tachiste " a été le moment a où tout pouvait passer pour de l'art pourvu que l'artiste s'en mêle. Même une toile toute bleue, de l'air ou des objets trouvés pouvaient prendre un caractère sacré. Mais pour comprendre le spectateur doit être informé. Sans information, le système n'a pratiquement pas de valeur. Et c'est peut-être la raison pour laquelle le plus grand nombre ne réagit pas a l'art... ''

 

La situation nouvelle avec les machines en mouvement de Julio Le Parc est la simplification des éléments du dialogue, sa réduction à l'essentiel que tout un chacun pourrait percevoir. Si par l'électronique, l'artiste nouvelle manière a voulu effacer le mystère de la picturalité que la peinture nous dispense depuis toujours, il en crée un autre. Ce n'est qu'un départ...

 

Jacques Michel, Le Monde, 1966.

 

 

"Objective" Art and Electronic Romanticism

 

Julio Le Parc in the gallery Denise René, by Jacques Michel, Le Monde, 1966

 

Neither painter nor sculptor: Julio Le Parc is a not very orthodox artist for classifications of Biennial of Venice which granted its award to him this year. But the Biennial had been brought for the occasion to reconsider its labels. And it is significant in term of conception that can be obtained from art and the artist. In the production of this Argentinean young person being settled in Paris since 1958, it is in a kind of visual play from which is excluded any subjective feeling that invites the spectator.

Moreover, it is not held with the variation: sometimes it is necessary for him to take part, to enter a labyrinth, to fit reflective glasses which will put it at the medium of a different space without moving of a step, to press on a button to start the electric discharge which will shake in a frantic movement of plastic or the tinfoil blades, will make fly the table tennis balls...

 

As Mondrian had integrated the intuition of the industrial world in the straightness of its squares of primary colours, Julio Le Parc, who replaced the Dutch Master, seems to be the artist of the era of the "computers", with its quantified series, its sequences with continuous progression.

But one should not be mistaken there: there is certainly a certain "mathematical" rigour in the manner of inventing significant forms and "situations", but all that is not free from a certain romanticism which puts out of window the electronic inventory. Like if the world of the figures and its resultants, particular language of the specialists, exerted on us a kind of fascination. It is the manner of the artist to express his time, to integrate in the world of sensitive, with the range of the common run, the new fields conquered by science and the technique.

 

In Paris, in 1958, Julio le Parc holds his first visit with Vasarely. But it will be to note what it calls its "contradictions". Like Mondrian, Vasarely "composes": "a form here, another there...", arbitrary choice and guided by an aesthetic feeling. However the Argentina young person precisely thought of seeing in these two painters the Masters of an "objective" painting. Disappointment, they are only the "romantic ones". For Julio Le Parc, "the work is a program, I cannot be mistaken...". Thus "juxtaposed sequences of fourteen colors" where it obtains a modulation of space by a quantified and programmed use of colour. The first research was made on gouache or body colour. Elements of paperboard of colour enabled him more quickly to multiply its experiments "I can modify infinitely the provision of these fourteen colours..." (the rainbow with its intermediaries). The small squares start to vibrate, the plane surface undulates; it lives. The painter passes then quite naturally to the third dimension: plexiglass model, small brass shutters, plastic sheets...

 

The law of composition - "the arbitrary", died. The only sovereign is the "programmed" series. The artistic invention is delivered to the determinism of the figures. The efforts of reflexion of the movements of light, split images, virtual forms which change continuously, place the spectator "in situation": there cannot remain impassive anymore; it must take part. So that the work of Julio Le Parc consists less in creating the "works" in itself than to provoke "visual moments". The support is there nothing and the "personality" of non-existent artist. The first victim of this step is the painter himself. For this Argentinean young person, the "tachist" period was the moment where all could pass for art provided that the artist interferes himself. Even a very blue cotton, found air or objects could take a crowned character. But to include/understand the spectator must be informed. Without information, the system practically does not have a value. And it is perhaps the reason for which the greatest number does not react to art... ''

 

The new situation with the machines in moving of Julio Le Parc is the simplification of the elements of the dialogue, its reduction to the essential that all one each one could perceive. If by electronics, the artist in new manner wanted to erase the mystery of the picturality that painting exempts to us since always, it creates another of them. It is only a departure...

 

Jacques Michel, Le Monde, 1966.

 

 

Arte "Objetivo" y Romanticismo Electrónico

 

Julio Le Parc en la galeria Denise René porJacques Michel, Le Monde, 1966.

 

Ni pintor, ni escultor; Julio Le Parc es un artista poco ortodoxo para las clasificaciones. Pero, cuando fue premiado por la Bienal de Venecia, ésta se vio obligada a reconsiderar las etiquetas. Y esto es significativo de la concepción que se suele tener del arte y del artista. En la producción de este joven argentino, instalado en París desde 1959, el espectador es invitado a una especie de juego visual de donde queda excluido cualquier sentimiento subjetivo.

Además, no se le mantiene apartado: a veces tiene que participar, entrar en un laberinto, ponerse gafas reflectoras que lo colocarán en medio de un espacio distinto sin dar ni un solo paso, apretar un botón para desencadenar la descarga eléctrica que sacudirá en un movimiento frenético láminas de papel de estaño o de plástico, hará volar pelotas de ping-pong...

 

Como Mondrian integrara la intuición del mundo industrial en la rectitud de sus cuadrados de colores primarios, Julio Le Parc, que tomó el relevo del maestro holandés, parece ser el artista de la era de las computadoras, con sus series cifradas, sus secuencias de progresión continua.

Pero no nos equivoquemos: existe seguramente cierto rigor "matemático" en la manera de inventar formas y "situaciones" sensibles. pero todo esto no está exento de cierto romanticismo, colocando en el escaparate el inventario electrónico, Como si el mundo de las cifras y de sus resultantes, lenguaje peculiar de los especialistas, ejerciera una fascinación en nosotros. Es la manera que tiene el artista de expresar su tiempo, de integrar en el mundo de lo sensible, al alcance del vulgo, los campos nuevos conquistados por la ciencia y la técnica.

 

En París, en 1959, Julio Le Pare dedica su primera visita a Vasarely. Pero seria para constatar lo que llama sus "contradicciones". Como Mondrian, Vasarely "compone": "una forma aquí. otra allí...", elección arbitraria" y guiada por un sentimiento estético. Cuando el joven argentino pensaba hallar precisamente maestros en ambos pintores; de una pintura "objetiva". Decepción: no son más que "románticos".

 

Para Julio Le Parc, "la obra es un programa, no me puedo equivocar...". Así las "secuencias yuxtapuestas de catorce colores", en las que obtiene una modulación del espacio por la utilización cifrada y programada del color. Las primeras investigaciones las hacía con gouache. Unos elementos de cartón de color le permitieron multiplicar más rápidamente sus experimentos. "Puedo modificar al infinito la disposición de estos catorce colores..." (el arco iris con sus intermediarios). Los cuadraditos se ponen a vibrar, la superficie plan ondula, vive. El pintor, entonces, pasa con suma naturalidad a la tercera dimensión: maqueta en plexiglás, ventanitas de latón, hojas de plástico... La ley de la composición -"lo arbitrario"- ha muerto. La única ley soberana es la serie "programada". La invención artística depende del determinismo de las cifras.

Los efectos de reflexión de los movimientos de luz, de imágenes fraccionadas, de formas virtuales que se transforman continuamente, colocan al espectador "en situación": ya no puede permanecer impasible; tiene que participar. Tanto es así, que el trabajo de Julio Le Parc consiste menos en crear "obras" en sí que en provocar "momentos visuales". El soporte no es nada, y la "personalidad" del artista, inexistente. La primera víctima de esta empresa resulta ser el mismo pintor. Para este joven argentino, el período "tachista" ha sido el momento "en que todo podía pasar por arte con tal de que el artista se lo propusiera. Incluso un lienzo totalmente azul, el aire o unos objetos extraviados podían cobrar un carácter sagrado, Pero, para entender, el espectador tiene que ser informado. Sin información, el sistema carece prácticamente de valor. Y tal vez sea la razón por la que la inmensa mayoría no reacciona ante el arte..."

 

La situación nueva con las máquinas en movimiento de Julio Le Parc es la simplificación de los elementos del diálogo, su reducción a lo esencial que cada cual podría percibir. Si, por medio de la electrónica, el artista quiso borrar el misterio pictórico que la pintura nos da desde siempre, ha creado otro. No es más que una salida...

 

 

ATELIER LE PARC - 2014