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Manque de contrastes
Par Julio Le Parc. 1986
Après avoir visité l'exposition. Contraste de forme, (Abstraction géométrique 1910-1980) dans les salles Pablo Ruiz Picasso de Madrid, j'ai écrit le texte suivant qui a été publié dans le Diario 16 du 1e juin 1986.
Une satisfaction.
Voir ou revoir une série d'œuvres appartenant à la dénommée abstraction géométrique. Surtout celle des pionniers.
Une indignation.
Etre témoin, une fois de plus, de la manipulation internationale de la part des Américains de l'art contemporain.
Une déception.
Que les autorités culturelles espagnoles se pressent, dans ce cas précis, à cette manipulation. Ou bien elles ignorent tout de l'art contemporain, ou alors, ce qui serait pire, elles agissent en connaissance de cause, établissant une complicité qui friserait la malhonnêteté .
Espagne.
Quant à l'Espagne, comment peut-elle accepter une exposition de ce type - Ou ne figurent, dans la première partie, que deux artistes espagnols: Juan Gris et Pablo Picasso. II n'existerait aucun autre artiste géométrique espagnol valable selon les critères américains Comment ne pas s'indigner que dans la cinquième partie de l'exposition (années 60 à 80) on fasse délibérément l'impasse, par exemple, sur l'œuvre de l'historique Equipe 57 - Comment ne pas s'indigner de l'absence d'Eusebio Sempere - Et comment ne pas s'indigner que tout ceci ait lieu avec l'accord évident des autorités culturelles espagnoles.
Europe.
En ce qui concerne l'Europe, comment accepter aussi dans cette même section (60-80) l'exclusion volontaire et non moins délibérée de tout ce qui a été produit en Europe pendant cette période - On peut citer quelques absences scandaleuses. Pour l'Italie, les œuvres de Bruno Munari, Enzo Mari, le Groupe N de Padoue, le Groupe T de Milan; pour l'Allemagne, l'œuvre de Gerard Von Gravenitz et celle des artistes du Groupe Zero; pour la Suisse, Richard Lhose, Karl Geznert; pour la France, Tinguely, Agam, le GRAV (Groupe de recherche d'art visuel)... Et un grand et cetera qui inclut une infinité d'artistes de tous les pays d'Europe, sans oublier ceux des pays de l'Est ainsi que le Groupe Mouvement de Moscou.
Amérique latine.
Sachant que cette exposition va partir en Amérique latine (Buenos Aires, Sao Paulo, Caracas), comment accepter cette ignorance - non dépourvue d'un certain mépris - de la part des Américains du Nord, pour tout ce qui vient du Sud - Et comment peut-être tolérer de voir l'apport fondamental de l'Amérique latine à cette tendance qualifiée d'abstraction géométrique, enterré dans les poubelles de l'histoire Tant d'artistes de qualité ont travaillé et continuent de travailler dans cet esprit. Je voudrais seulement signaler quelques cas: le Movimiento de Arte Concreto Invencion, né dans les années quarante à Buenos Aires et Sao Paulo; le Groupe Madi de Arden Quin, né à la même époque dans le Rio de la Plata, conseillé par le légendaire Torres Garcia, et dont les œuvres, déclarations et position, feraient mourir de honte bien des artistes nord-américains pourtant massivement représentés dans cette exposition.
Soumission.
Penser que certains responsables culturels latino-américains promeuvent aussi ce type d'exposition dans leurs propres pays (tout comme l'Espagne) ! A croire que ce sont des antinationaux masochistes ou qu'ils ont une ame de paillasson à qui les Rambo super experts de l'art contemporain peuvent dicter superbement leurs cours magistraux, imposant, comme dans tant d'autres domaines, leur vision arrogante du monde dans laquelle leurs artistes made in USA sont les superman de l'art actuel.
Hégémonisme.
On peut trouver une infinité de justifications quant au contenu et au choix des œuvres de cette exposition, mais il est incontestable que, comme on a pu le constater à de nombreuses occasions plus ou moins recensés (Paris- New York- Paris), pour les Nord-américains, l'art européen du début du siècle n'est qu'une référence; le véritable art contemporain a surgi, comme une génération spontanée, aux Etats-Unis. Et tout ce qui s'oppose à cette idée ne vaut rien, n'existe pas. Or s'ils ignorent quelque chose, il faut en déduire que cette chose n'a pas d'importance. Si elle ne reçoit pas l'aval de New York, c'est parce qu'elle ne mérite pas de figurer dans l'histoire de l'art, et si on lui accorde un petit coin dans cette histoire, c'est uniquement pour mieux confirmer la thèse américaine.
Proposition.
A mon avis, cette exposition ne devrait avoir lieu ni à Buenos Aires, ni à Sao Paulo, ni à Caracas. Puisqu'elle à lieu à Madrid, je suggère aux autorités espagnoles qu'elles organisent le plus vite possible, à Madrid également, une autre exposition de la même importance qui rétablisse, avec un minimum d'objectivité, la réalité historique de l'abstraction géométrique, notamment celle des années 60-80. Pour ce faire, il faudrait solliciter la collaboration des nombreux spécialistes du sujet vraiment responsables, et surtout faire appel aux véritables protagonistes encore vivants qui, de diverses manières et dans des buts différents, ont inclus la géométrie dans leurs créations artistiques, pour qu'ils témoignent de cette grande aventure de l'art moderne. Voilà qui ferait une excellente exposition, contradictoire mais ample et ouverte. Dans l'espoir que cet évènement ouvre la voie à de nouvelles perspectives de développement.
Note finale.
II est possible que le contenu de ce petit texte de circonstance, écrit en signe de protestation, puisse sembler quelque peu irrespectueux, agressif, voire même insultant aux différents responsables de cette exposition. II se peut également qu'il ne soit qu'un cri dans le désert. Mais il faut que l'on se rende compte à quel point l'imposture et la manipulation que représente cette exposition peuvent être offensantes pour bon nombre de créateurs qui, pendant des décennies, ont apporté, au travers de leurs recherches et de leurs œuvres, des éléments essentiels au développement de l'art contemporain.
Julio Le Parc, 1986.
Missing of Contrasts
By Julio Le Parc. 1986.
After having visited the exhibition. Contrast of form, (Geometric abstraction 1910-1980) in the rooms Pablo Ruiz Picasso of Madrid I wrote the following text which was published in Diario 16 dated the 1st june 1986.
A satisfaction.
See or re-examine a series of works pertaining to the called geometric abstraction. Especially that of the pioneers.
An indignation.
To be witness, once more, of the international handling on behalf of the Americans of the contemporary art.
A disappointment.
That the spanish cultural authorities is in a hurry, in this precise case, with this handling. Or they are unaware of all the contemporary art, or then, which would be worse, they act with full knowledge of the facts, establishing a complicity which would curl the dishonesty.
Spain.
As for Spain, how can it accept an exhibition of this type - where appear, in the first part, only the two Spanish artists: Juan Gris and Pablo Picasso. Would not be other valid spanish geometrical artist existing according to american criteria? How to be indignant only in the fifth part of the exhibition (years 60 to 80) one makes the dead end deliberately, for example, on the work of the history Equipo 57 - How not to be indignant at the absence of Eusebio Sempere - And how not to be indignant that all this takes place with the obvious agreement of the spanish authorities cultural –
Europe.
With regard to Europe, how to also accept in this same section (60-80) voluntary exclusion and not less deliberated of all that was produced in Europe for this period - One can quote some scandalous absences. For Italy, works of Bruno Munari, Enzo Mari, Group N of Padoue, the Group T of Milan; for Germany, the works of Gerald Von Gravenitz and that of the artists of Group Zero; for Switzerland, Richard Lhose, Karl Geznert; for France, Tinguely, Agam, the GRAV (Group of search for visual art)... And large etc. which includes an infinity of artists of all the countries of Europe, without forgetting those of the Eastern European countries as well as the Movement Group of Moscow.
Latin America.
Knowing this exhibition will go to Latin America (Buenos Aires, Sao Paulo, Caracas), how to accept this ignorance - not deprived of a certain contempt - on behalf of the Americans of North, for all that comes from the South - And how to perhaps tolerate to see the fundamental
contribution of the Latin America to this tendency described as geometric abstraction, buried in the dustbins of the history? So many qualified artists worked and continue to work in this spirit. I would like only to announce some cases: Movimiento de Arte Concreto-Invencion, born in the forties in Buenos Aires and Sao Paulo; the Group Madi de Arden Quin, born at the same time in Rio of Plata, advised by legendary Torres Garcia, and whose works, declarations and position, would make die of shame many North-American artists however massively represented in this exhibition.
Submission.
To think how certain Latin-American cultural persons in charge promote also this type of exhibition in their own countries (just like Spain)! To believe that they are antinational masochists or that they have a soul of doormat with whom the super expert Rambo of the contemporary art can dictate their lectures superbly, imposing, as in so much of other fields, their arrogant vision of the world in which their artists made in the USA are the supermen of current art.
Hegemonism.
One can find an infinity of justifications as for the contents and the choice of works of this exhibition, but it is undeniable that, like one could note it on many occasions more or less listed (Paris New York Paris), for the North-Americans, European art of the beginning of the century is only one reference; the true contemporary art emerged, like a spontaneous generation, in the United States. And all that is opposed to this idea is not worth anything, does not exist. However if they are unaware of something, it should be deduced from it that this thing does not have importance. If it does not receive the downstream of New York, it is because it does not deserve to appear in the history of art, and if one grants a small corner in this history to him, it is only for better confirming the American thesis.
Proposal.
In my opinion, this exhibition should take place neither in Buenos Aires, neither in Sao Paulo, nor in Caracas. Since it took place in Madrid, I suggest with the spanish authorities that they organize as quickly as possible, in Madrid also, another exhibition of the same importance which restores, with a minimum of objectivity, the historical reality of the geometric abstraction, in particular that of the years 60-80. With this intention, it would be necessary to request the collaboration of the many really responsible specialists in the subject, and especially to call upon the true still alive protagonists who, in various ways and with different aims, included the geometry in their artistic creations, so that they testify to this great adventure of the modern art. Here there are that would make an excellent exhibition, contradictory but full and open. In the hope that this event opens the way with new development prospects.
Final Note.
It is possible that the contents of this small text of circumstance, written as a sign of protest, can seem somewhat disrespectful, aggressive, and even insulting to the various persons in charge for this exhibition. It may be also that it is only one cry in the desert. But it is necessary that one realizes at which point the imposture and the manipulation that represent this exhibition can be offensive for considerable creators who, during decades, have brings, through their research and their works, essential elements for the development of the contemporary art.
Julio Le Parc, 1986
Carencia de Contrastes
Julio Le Parc- 1986
Después de haber visitado la exposición: "CONTRASTE DE FORMA" (Abstracción geométrica-1910-1980) en las Salas Pablo Ruiz Picasso de Madrid, escribí el texto siguiente que fue publicado en el "Diario 16" del 1° de junio de 1986.
Una satisfacción
Ver o rever una serie de obras pertenecientes a la llamada abstracción geométrica. Sobre todo las de los pioneros.
Una indignación
Ser testigo, una vez más, de la manipulación internacional por parte de los norteamericanos del arte contemporáneo.
Una decepción
Que las autoridades culturales de España se presten, en este caso, a manipulación tal. O bien ignoran todo acerca del arte contemporáneo o, lo que sería aun peor, actúan con conocimiento de causa, estableciendo una complicidad que raya con lo deshonesto.
España
En lo que a España se refiere, cómo aceptar una exposición de este tipo En ella sólo figuran, dentro de la primera parte, dos artistas españoles: Juan Gris y Pablo Picasso. No existe ningún otro artista español geométrico que resulte válido para los criterios norteamericanos Cómo no indignarse de que en la quinta sección de la exposición (años sesenta-ochenta) se ignore olímpicamente, por ejemplo, la obra del histórico Equipo 57 Cómo no indignarse con la ausencia de Eusebio Sempere. Y cómo no indignarse de que todo ello ocurra con el asentimiento evidente de tas autoridades culturales españolas
Europa
En lo que atañe a Europa, cómo aceptar, también en esa misma sección (años sesenta-ochenta), la voluntaria y no menos olímpica exclusión de todo el aporte producido en Europa durante ese período. Valga con citar solamente algunas ausencias escandalosas. Por Italia, las obras de Bruno Munari, Enzo Mari, Grupo N de Padua, Grupo T de Milán; por Alemania, la obra de Gerard Von Gravenitz y la de los artistas del Grupo Cero; por Suiza, Richard Lhose, KarI Geznert; por Francia, Tinguely, Agam, el GRAV (Grupo de Experiencias de Arte Visual)... Y un largo etcétera que incluye a un sinfín de artistas de todos los países de Europa, sin olvido de los artistas de los países del Este e incluso del Grupo Movimiento de Moscú.
Latinoamérica
Sabiendo que esta exposición va a ir a América Latina (Buenos Aires, Sao Paulo, Caracas), cómo aceptar esa ignorancia, que contiene un cierto desprecio por todo lo que viene del sur, por parte de Norteamérica Y cómo aceptar ver sepultado en el olvido de "su historia" el aporte fundamental de América Latina a esa tendencia califica de abstracción geométrica. Es imposible nombrar la gran cantidad de artistas de calidad que trabajaron y que siguen trabajando dentro de ese espíritu. Solamente quiero señalar algunos casos: el Movimiento de Arte Concreto-Invención, que surgió en los años cuarenta en Buenos Aires y Sao Paulo; el Grupo Madi de Arden Quin, que también surgió por aquellas fechas en el Río de la Plata, teniendo como asesoral legendario Torres García, y cuyas obras, planteos y posiciones harían morir de vergüenza a muchos de los artistas norteamericanos incluidos masivamente en esta exposición.
Sumísión
Pensar que en este caso también hay responsables culturales latinoamericanos que promueven en sus propios países (como ejemplo, España) este tipo de exposición! Podría creerse que son masoquistas antinacionales o que tienen alma de felpudo o alfombra sobre la cual los super-expertos rambonianos del arte contemporáneo dictan soberbiamente sus clases magistrales imponiendo, como en tantos otros terrenos, su visión prepotente del arte, dentro de la cual sus artistas made in USA son los supermanes del 'arte actual.
Hegemonismo
Se pueden dar un sinnúmero de justificaciones sobre el contenido y la elección de obras de esta muestra, pero lo que es evidente, como en muchos casos más o menos próximos (París-New York-París) es que para los norteamericanos el arte europeo de comienzos de siglo tiene una simple validez de referencia y lo importante del arte contemporáneo surge casi como generación espontánea en los USA. Y todo aquello que entre en contradicción con esa tesis no vale, su existencia fue nula; si ellos ignoran algo, hay que deducir que eso no tiene consistencia alguna. Si algo no tiene el aval de Nueva York es porque no merece figurar en la historia del arte, y si se le da un rinconcito en esa historia, es para mejor hacer resaltar lo que ellos sostienen y afirman.
Proposición
En mi opinión, esta muestra no debería exponerse ni en Buenos Aires, ni en Sao Paulo, ni en Caracas. Ya que se está realizando en Madrid, sugiero a las autoridades españolas que, a la mayor brevedad posible, realicen en Madrid otra exposición de la misma importancia que restablezca, con un mínimo de objetividad al menos, la realidad histórica de la abstracción geométrica, sobre todo del período sesenta-ochenta. Para ello habría que llamar a colaborar a los numerosos y realmente responsables especialistas que existen sobre el tema y, sobre todo, llamar a los verdaderos protagonistas aún vivientes para que den testimonio de esa importante aventura del arte moderno, que de múltiples maneras y con objetivos diversos incluyeron la geometría en sus creaciones artísticas. Se haría así una excelente exposición, aunque sea contradictoria, pero amplia y abierta: con el fin de que sus planteamientos puedan abrir nuevas perspectivas de desarrollo.
Nota final.
Es posible que el contenido de este pequeño texto de circunstancia, urdido como signo de protesta, pueda parecer a los diferentes responsables de esta exposición como irreverente, agresivo y tal vez insultante. Y puede que no sea más que un grito en el desierto. Pero hay que darse cuenta de hasta qué punto es insultante la falsedad y manipulación de esta exposición para un buen número de creadores que, durante decenios, con sus búsquedas y sus obras aportaron una franja esencial para el desarrollo del arte contemporáneo.
ATELIER LE PARC - 2014